« Voitures chinoises : j’irai produire chez vous » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 25 Janvier 2024.

Voitures chinoises : j’irai produire chez vous 

Le ton est monté d’un cran entre l’Europe et la Chine, suite au lancement en Septembre 2023 d’une enquête de la Commission à l’encontre des producteurs chinois de voitures électriques, soupçonnés d’être massivement subventionnés. La riposte du gouvernement chinois ne s’est pas fait attendre : le 5 Janvier, une enquête anti-dumping sur les exportations européennes de cognac à destination du marché chinois était ouverte.

Si l’Europe conclut demain que l’industrie automobile chinoise est massivement subventionnée, elle mettra alors en place des droits de douane compensatoires, au nom du rétablissement d’une « concurrence loyale ». Quelles pourraient être les conséquences d’une telle décision ?

Tout d’abord, la Chine ripostera aussitôt en taxant le cognac et en lançant de nouvelles enquêtes anti-dumping dans des secteurs tels que le vin, les produits de luxe ou les équipementiers automobiles. Une guerre commerciale risque alors de s’enclencher dont il sera difficile de sortir, comme cela a été observé entre les Etats-Unis et la Chine depuis 2018. Il est peu probable que le bilan d’une telle escalade soit à la fin très favorable pour l’Europe : ce que nous aurons gagné à l’importation sera contrebalancé par des pertes de parts de marché à l’exportation ; par ailleurs, le consommateur européen paiera la facture du protectionnisme automobile.

Mais surtout, les producteurs automobiles chinois pourraient décider demain de contourner les droits de douane européens, en décidant de produire directement leurs voitures électriques sur notre continent. BYD a d’ailleurs annoncé l’implantation d’un site de production en Hongrie en 2025. Un tel comportement de « tariff jumping » n’a rien de nouveau : durant les années 1980, face au protectionnisme occidental dans les produits électroniques et l’automobile, les constructeurs japonais avaient réagi en implantant massivement des usines en Europe et aux Etats-Unis. Lorsque l’on empêche les produits de circuler librement, ce sont les usines qui se déplacent ! On pourrait se rassurer en se disant que ces stratégies ont au moins le mérite de créer des emplois localement. C’est exact mais il s’agit pour l’essentiel d’unités d’assemblage, avec de faibles transferts de compétences et de technologies. Plus encore, l’implantation de concurrents non européens en Europe va leur permettre de mieux connaître le marché local et ses spécificités. Ce faisant, ils vont prendre des parts de marché aux producteurs européens.  Un tel scénario n’a rien de nouveau : ainsi, dans les années 1990, les États-Unis avaient imposé à l’entreprise japonaise Fuji des droits antidumping. Fuji avait aussitôt réagi en ouvrant une unité de production aux États-Unis. Résultat : la part de marché de Fuji aux États-Unis a augmenté après son implantation sur le sol américain, au détriment des concurrents locaux.

Est-ce à dire qu’il ne faut rien faire pour aider l’industrie automobile européenne à rattraper son retard dans la voiture électrique ? Sans doute pas. Mais le protectionnisme par les droits de douane n’apparaît pas comme la bonne solution. Il existe d’autre solutions, moins risquées en termes de représailles et moins dommageables pour les consommateurs, telles que des aides directes en faveur de l’innovation verte.

 

 

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