« Loi climat : mais il est où Pigou ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié le 11 Mars 2021 une chronique dans L’Opinion sur le projet de la loi Climat et résilience.

Loi climat : mais il est où Pigou ?

 

A l’heure où s’ouvre à l’Assemblée nationale l’examen du projet de loi Climat et résilience, on peut se réjouir que les sujets environnementaux reviennent au premier plan de l’agenda politique. Pour autant, si l’on pose un regard d’économiste, on reste dubitatif sur la panoplie des outils proposés : la pédagogie, l’autorégulation, l’interdiction.

Du côté de la pédagogie, on peut citer la mise en place d’un « score carbone » affiché sur certains produits ; l’idée est que le consommateur prenne conscience, lorsqu’il achète un produit, de son empreinte carbone et qu’il se dirige le cas échéant vers d’autres produits moins polluants. L’intention est louable mais n’est-il pas naïf de penser qu’une bonne information suffira à changer les comportements ? Une taxe aurait été autrement plus incitative, en envoyant un signal clair : si vous voulez acheter des produits à forte émission de CO2, alors vous paierez beaucoup plus cher. Les consommateurs auraient vite compris leur intérêt.

Second outil : l’autorégulation, à l’image des acteurs de la publicité, qui vont élaborer un code de bonne conduite. A nouveau, l’intention est louable mais les expériences passées montrent que la logique des engagements donne souvent des résultats peu ambitieux. Cela provient du fait que les acteurs n’ont pas tous les mêmes intérêts et vont donc s’accorder sur le plus petit dénominateur commun. Ce risque est particulièrement vrai pour la publicité : il s’agit d’une activité transversale qui rassemble des annonceurs n’ayant pas la même exposition à la pollution.

Sanctions. Qui plus est, la vérification externe des engagements est un exercice difficile, qui suppose que les indicateurs soient clairs et non contournables. Elle n’a de sens que si elle est assortie de sanctions dissuasives en cas de manquement. A nouveau, une taxe sur la publicité pour des produits à fortes émissions de CO2 aurait été simple et efficace pour modifier le comportement des acteurs.

Troisième outil : les interdictions, à l’image de la suppression des vols intérieurs pour lesquels existe un substitut ferroviaire en moins de deux heures trente. On pourrait se rassurer en se disant que l’interdiction permet d’atteindre avec certitude l’objectif de réduction des émissions. C’est vrai. Mais interdire une activité a aussi un coût qui doit être mis dans la balance : dans le cas de l’avion, on diminue certes les émissions de CO2 mais on ne peut exclure une hausse du prix des billets de train, puisqu’un concurrent aura disparu du marché. De plus, est-on certain que les clients de l’avion vont se reporter sur le train plutôt que sur… la voiture ? A nouveau, une taxe sur les billets d’avion aurait envoyé aux clients un signal clair.

Bref, l’outil préféré des économistes pour remédier aux externalités négatives, à savoir la taxe, est bien peu présent dans le projet de loi. On comprend politiquement pourquoi : après l’épisode des Gilets jaunes, la notion même de taxe est devenue un chiffon rouge. Mais c’est dommage économiquement : pensée il y a maintenant un siècle par Pigou, la taxe a le mérite de la simplicité et de l’efficacité. Pour changer durablement les comportements, elle joue moins sur les bonnes intentions et l’interdiction que sur l’intérêt bien compris des acteurs, en leur envoyant un signal au travers du prix.

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