« Les machines de l’esprit vont-elles détruire nos emplois ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié dans L’Opinion, le 25 Août 2023,  une chronique sur l’impact de l’IA sur l’emploi.

Le lancement de ChatGPT puis de Bard suscite depuis le début de l’année un vif débat sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’emploi. Bien souvent, ce débat se résume à une thèse principale : l’IA va progressivement remplacer un grand nombre de tâches humaines, en particulier à fort contenu intellectuel. Par exemple, l’IA permet déjà d’établir des diagnostics médicaux avec plus de précision que les médecins eux-mêmes. Ainsi, une récente étude d’Ayers a comparé les réponses des médecins et d’un chatbot à des questions posées par des patients : les réponses du chatbot ont été jugées par des évaluateurs externes d’une qualité supérieure. Bref, avec les large language models (LLM), il va arriver demain aux médecins, et plus généralement aux cols blancs, ce qui est arrivé hier aux cols bleus avec la robotisation : un vaste effet de substitution.

Toutefois, l’impact de l’IA sur le volume de l’emploi ne se résume pas à ce seul effet.

En premier lieu, il faut tenir compte des gains de productivité engendrés par une nouvelle technologie. Dans le cas de l’IA, ils sont très importants. Ainsi, Noy et Zang (MIT) ont testé l’impact de l’usage de ChatGPT sur la productivité de cols blancs, en prenant un groupe de contrôle : ils concluent que le temps pour accomplir une tâche identique passe de 27 à 10 minutes, pour ceux qui utilisent ChatGPT, sans baisse de la qualité. Cette hausse de la productivité va conduire à des baisses de prix, ce qui devrait élargir la taille du marché. Par exemple, si les consultations d’avocats deviennent plus rapides grâce à ChatGPT, leur prix va diminuer ; en conséquence, plus de personnes vont recourir à des services d’avocat, ce qui favorisera l’emploi dans cette profession. La transmission de cet effet de productivité dépend de l’intensité de la concurrence : plus la concurrence sera forte, plus les gains de productivité seront répercutés en baisse de prix.

Selon le dernier rapport sur l’IA de l’Université de Standford, plus de 296 000 postes ont été proposés en 2022 aux Etats-Unis dans la programmation en Python et 260 000 en « computer science »

En second lieu, le développement des « machines de l’esprit » va nécessiter la création de nombreux emplois qualifiés. Selon le dernier rapport sur l’IA de l’Université de Standford, plus de 296 000 postes ont été proposés en 2022 aux Etats-Unis dans la programmation en Python et 260 000 en « computer science ». Il faudra également, au sein des entreprises, créer de nouveaux emplois : entraîneur d’IA générative pour des applications spécifiques, vérificateur de résultats, afin de mieux contrôler les biais et les « hallucinations » que peut susciter l’intelligence artificielle, etc.

En troisième lieu, l’IA peut être utilisée par les entreprises en complémentarité avec le travail qualifié et non en substitution. Si l’IA permet de gagner du temps sur les tâches les plus élémentaires, elle permet aussi d’en libérer pour des tâches plus créatives. A cet égard, l’étude de Noy et Zhang montre que l’usage de ChatGPT génère un sentiment de satisfaction au travail chez ceux qui l’utilisent, en leur permettant de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. ChatGPT permet aussi aux moins qualifiés de monter en compétences.

Au final, l’impact de l’IA sur l’emploi ne se résume pas à un simple effet de substitution. Tout dépendra en particulier de la manière dont les entreprises utiliseront l’IA : pour comprimer simplement leurs coûts ou … pour être aussi plus innovantes.

 

 

 

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