Emmanuel Combe a publié dans L’Opinion, le 23 Novembre 2023 une chronique sur les dark patterns.

Black friday :  gare aux dark patterns !

A l’occasion du « Black Friday », nombre de Français vont se livrer à la chasse aux bonnes affaires sur les sites de vente en ligne. Dans cette euphorie de consommation et d’achats d’impulsion, ils vont devoir déjouer les nombreux pièges des « dark patterns ».

De quoi s’agit-il exactement ? Les « dark patterns » consistent, pour une interface numérique, à présenter les informations et les choix offerts à l’utilisateur de manière biaisée ou trompeuse, dans le but de le conduire à prendre des décisions qui ne sont pas toujours dans son intérêt. Les dark patterns ont un point commun :  ils jouent sur nos émotions et nos biais cognitifs pour les exploiter dans un sens favorable au vendeur.

Il existe de nombreux dark patterns : une étude de l’Université de Princeton sur 11 000 sites d’e-commerce en a même dénombré plus de 1800 ! On peut toutefois les classer en grandes catégories. Par exemple, certains dark patterns visent à créer chez l’internaute un sentiment d’urgence : un site en ligne va introduire un compte à rebours ou indiquer un stock limité de produits, alors même que cette information est erronée. D’autres dark patterns vont reposer sur l’obstruction des choix : ils jouent sur notre lassitude face à des obstacles répétés. Par exemple, un site internet peut permettre la souscription à un abonnement en un clic mais rendre très difficile sa résiliation.  Cette technique d’obstruction a été d’ailleurs dénommée le « motel des cafards » : s’il est facile de faire entrer des cafards dans un hôtel, il est toujours difficile de s’en débarrasser ! Un dernier type de dark patterns consiste à détourner l’attention du client, dans le but par exemple d’ ajouter de manière furtive une option payante dans son panier d’achat.

Les pratiques de « dark patterns » sont aujourd’hui largement répandues sur les sites de vente en ligne. Ainsi, une récente étude de la Commission Européenne  a passé au crible 399 sites marchands, en se focalisant sur les faux compteurs à rebours, les informations cachées au client et les interfaces qui incitent à s’abonner. Résultat : 37% des sites contenaient au moins une de ces 3 pratiques !

Face à cette prolifération des dark patterns, comment peut-on s’en prémunir ? Au niveau collectif, le principal instrument est d’ordre juridique. Par exemple, certains dark patterns peuvent être considérés comme des pratiques commerciales déloyales ou trompeuses et tomber sous le coup du droit de la consommation. Ainsi, aux Etats-Unis, en Juin 2023, la Federal Trade Commission a ouvert une enquête à l’encontre d’Amazon, sur le fondement de la loi sur « la restauration de la confiance des acheteurs en ligne », au motif que le géant du e-commerce aurait compliqué la résiliation de l’abonnement à Prime. En Europe, le Digital Service Act énonce, dans son article 25, l’interdiction des dark patterns dans tous les services numériques, sans que l’on sache pour le moment comment ces pratiques seront détectées. Au niveau individuel, le meilleur moyen d’éviter les dark patterns reste encore … la vigilance de chacun :  lors du black Friday, ne cédez pas à la précipitation, lisez attentivement le contenu des offres, pensez à vérifier le contenu de votre panier et les cases cochées !

 

 

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