« Inflation : les recettes du low cost » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié le 9 Septembre 2022 une chronique dans Les Echos sur le low cost dans un contexte d’inflation et d’appel à la sobriété.

Inflation : les recettes du low cost

Face à l’inflation, les consommateurs ne sont pas restés les bras croisés et ont commencé à modifier leurs comportements. Des arbitrages sont ainsi observés depuis plusieurs mois dans les grandes enseignes de la distribution alimentaire : les consommateurs se reportent sur les marques de distributeurs et sur les « marques premiers prix ». Plus encore, certains se tournent vers les distributeurs « low cost », dénommés « hard discount ». Ainsi, Lidl a connu une forte progression de ses ventes cet été. Dans d’autres secteurs, le low cost marque également des points : dans l’automobile, le succès de la gamme Dacia ne se dément pas, au point de représenter aujourd’hui 40% des ventes de Renault. Dans le transport aérien, le low cost a atteint en Europe 47% de part de marché en 2022, contre 41% en 2019. Comment fonctionne vraiment ce modèle ? En voici la recette, en 4 étapes.

Première étape. Vous prenez un produit complexe et vous le dépouillez de toutes ses caractéristiques non essentielles pour le client. Vous obtenez un produit minimaliste, dont la promesse se résume à un slogan : « l’essentiel, rien que l’essentiel ». Dans l’automobile, exit le tableau de bord aux multiples fonctionnalités ; place à la fiabilité, afin d’éviter les pannes. Dans le transport aérien, exit la collation gratuite à bord ; l’essentiel c’est la sécurité des vols. Dans la distribution alimentaire, exit les rayons avec des dizaines de références pour un même produit ; place à l’équation « un besoin = un produit», avec un bon rapport qualité/prix.

Seconde étape : une fois le produit simplifié, vous standardisez le processus de production, pour faire baisser les coûts. Dans la distribution alimentaire, une enseigne discount propose 1500 références, contre dix fois plus chez un distributeur classique. Cette réduction de l’assortiment permet de massifier les achats auprès des fournisseurs et d’obtenir ainsi de fortes remises à l’achat. Même chose dans l’aérien : comme il n’y a pas de promesses autres que la sécurité, pas de pertes de temps en réapprovisionnement et en attente des correspondances :  les avions peuvent faire des demi-tours rapides et les cabines peuvent être densifiées.

Troisième étape : vous fixez un prix inférieur aux produits de référence mais plus élevé que vos coûts. La baisse des prix va stimuler la demande et créer un effet d’induction. L’objectif n’est pas de cibler seulement des clients qui utilisent déjà le produit de référence mais d’élargir la taille du marché, en ciblant de nouveaux utilisateurs. Tel est le cas de Dacia, dont le modèle d’entrée de gamme permet à des clients qui achetaient des voitures d’occasion d’aller sur le marché du neuf.

Dernière étape, facultative : vous ajoutez une pincée d’options payantes, qui correspondent aux fonctions non essentielles que vous avez supprimées au départ. Ces services auxiliaires, au choix du client, sont une source de marge importante, notamment dans l’aérien.

Vous obtenez au final un modèle économique qui peut s’avérer très rentable, en conjuguant forts volumes et marges positives. Tout le paradoxe du low cost est bien là : alors même qu’ils pratiquent des prix attractifs, les géants du low cost, comme Ryanair ou Lidl, surpassent leurs concurrents en termes de rentabilité. Le low cost ne fait certes pas rêver par sa promesse minimaliste et parfois, comme dans l’aérien, par ses pratiques sociales discutables ; mais en temps d’inflation, il est à l’évidence promis à un bel avenir chez les consommateurs. Il incarne à sa manière une forme de sobriété : moins de chichi, moins de gâchis, juste l’essentiel.

 

 

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