Emmanuel Combe a publié le 19 Septembre 2022 une chronique dans L’Opinion sur le prix des billets de train.
A l’heure de la transition climatique, le train connaît un véritable regain d’intérêt de la part des Français, au motif qu’il est moins polluant. Il est vrai que, si l’on fait abstraction du coût de construction et d’entretien des infrastructures ferroviaires, la quantité de CO2 émise par un train présente un bilan très favorable : selon l’Ademe, sur un trajet Paris/Toulouse, un TGV émet 2,93 kg de CO2 par personne, un avion 74 kg et une voiture thermique 131 kg.
Cet engouement des Français pour le train a entraîné une forte hausse de la demande. Comme le réseau ferroviaire est saturé sur certaines lignes en période de pic, cette hausse s’est assez logiquement traduite par une inflation du prix du billet.
Face à cette situation, la tentation est grande pour le décideur politique d’aller vers des solutions radicales comme la gratuité du billet ou une forte réduction de leur prix, comme cela a été fait dans d’autres pays d’Europe. Ainsi, les trajets en trains régionaux et de banlieue sont gratuits en Espagne depuis le 1erseptembre, tandis que l’Allemagne a expérimenté cet été les billets illimités à 9 euros par mois.
Mais ces solutions ne résolvent en rien le déséquilibre entre offre et demande. Pire encore, elles ne font que l’accentuer, en augmentant la demande : ainsi, en Allemagne, le succès du pass à 9 euros a logiquement conduit à des phénomènes de saturation. Sur le long terme, seuls des investissements dans la modernisation du réseau ferroviaire seront en mesurer de desserrer la contrainte de capacité.
Gestion de la sécurité. Pour autant, il est possible à plus brève échéance d’augmenter le trafic ferroviaire, en misant sur le levier technologique. Cela passe en particulier par la modernisation des systèmes embarqués de gestion de la sécurité ferroviaire, comme le souligne une récente étude de l’Autorité de Régulation des Transports. En effet, les trains sont équipés en France d’un système ancien, mis en place durant les années 1990 : le système KVB. Sous l’impulsion de la Commission européenne, une nouvelle technologie plus efficace, dénommée ERTMS, doit être progressivement déployée dans tous les pays d’Europe. Elle permettra par exemple, sur la ligne à grande vitesse Paris/Lyon, d’augmenter le nombre maximum de trains en circulation de 13 à 16 par heure. La France a pris du retard dans le déploiement de ce système, qui n’équipe à ce jour que 40 % de notre réseau à grande vitesse. Ce levier technologique permettra également une plus grande animation de la concurrence, notamment sur les lignes à grande vitesse.
En effet, l’adoption d’un standard commun de sécurité par toutes les compagnies ferroviaires viendra lever l’obstacle de l’accès des nouveaux entrants au système KVB, qui est en fin de vie. Une fois la contrainte de capacité levée, on peut également songer à une réforme des péages, qui représentent le prix payé par les compagnies ferroviaires pour accéder à l’infrastructure. Les péages restent en France parmi les plus chers en Europe. Une baisse de leur prix ne serait pas forcément un mauvais calcul pour l’Etat puisqu’elle serait en partie compensée par l’augmentation du trafic ferroviaire. Bref, le levier de la technologie constitue une voie intéressante à explorer, pour desserrer la contrainte de capacités et, indirectement, agir durablement sur le prix des billets.
Emmanuel Combe est professeur à Skema business school et vice-président de l’Autorité de la concurrence.