« Ajustement budgétaire : demain risque d’attendre » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 24 Juin 2022 sur l’ajustement budgétaire en France.

Ajustement budgétaire : demain risque d’attendre

 

Si personne ne conteste le bien-fondé de la politique budgétaire du « quoi qu’il en coûte » menée durant la crise du Covid, il n’en demeure pas moins qu’elle s’est traduite par une forte hausse de notre dette publique : le ratio dette/PIB a pris 16 points en 2 ans, passant de 98% en 2019 à 114% en 2021.  La remontée actuelle des taux d’intérêt à long terme ne vient pas arranger les choses : le taux d’intérêt sur les obligations d’Etat à 10 ans est passé en France de 0,16% à 2,2%, ce qui induit mécaniquement une hausse de la charge de la dette. A court terme, sur la nouvelle dette émise ; mais surtout à plus long terme, puisqu’une partie de notre dette doit être renouvelée chaque année : selon une estimation de la Banque de France, une hausse de 1 point des taux longs représenterait à terme un surcoût annuel de 40 milliards d’euros, soit … le budget du Ministère de la Défense.

Autant dire que le sujet de la maîtrise des dépenses publiques –sans aller même jusqu’à parler de leur réduction- va rapidement revenir dans le débat public. Faut-il pour autant en attendre grand-chose d’un point de vue décisionnel ? Si l’on suit l’analyse en termes « d’économie politique des déficits publics », on peut en douter.

Selon une première approche, née dans les années 1980 avec le Public Choice, il existerait une tendance naturelle des démocraties –qu’elle que soit la couleur politique de l’équipe en place- à laisser filer les déficits budgétaires, pour des raisons purement électorales : augmenter les dépenses publiques suscite davantage l’adhésion des électeurs qu’augmenter les impôts ou réduire les dépenses publiques. Tout d’abord, parce que les électeurs sont victimes de « l’illusion fiscale »: ils survalorisent les effets à court terme d’une dépense publique, en ne prenant pas en compte les impôts futurs. Ensuite, parce que les bénéficiaires des dépenses publiques sont plus clairement identifiés que ceux qui profitent de leur réduction. Les premiers sont donc plus prompts à se mobiliser si le gouvernement annonce des coupes budgétaires, alors que les seconds, répartis de manière diffuse, sont inorganisés et peinent à faire entendre leur voix. Il existerait donc un penchant naturel des décideurs politiques à faire du déficit budgétaire, sans véritable corde de rappel. Cette approche se heurte à une critique empirique évidente : tous les pays démocratiques n’ont pas les mêmes niveaux de dette publique par rapport aux PIB et certains ont même réussi à faire des ajustements budgétaires.

Pour surmonter cette critique, une seconde approche invite à prendre en compte le degré de polarisation de la  vie politique dans chaque pays. En effet, si les préférences électorales sont très clivées à l’intérieur d’un pays, le gouvernement en place a intérêt à faire du déficit budgétaire pour contraindre, en cas d’alternance, le gouvernement futur, qui sera ainsi lié par la dette accumulée. Plus les préférences électorales sont polarisées, plus le recours au déficit public est tentant. De même, lorsque l’incertitude sur les échéances électorales à venir est forte, l’incitation à faire du déficit budgétaire est importante. Autant dire que la situation politique actuelle en France incite à un certain scepticisme quant à la capacité d’un gouvernement à engager une réforme budgétaire très volontariste.

 

 

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