Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 26 Janvier 2016 sur le fonctionnement des marchés d’action.
Bourse : rien ne va plus, faites vos jeux !
Le CAC40 perd plus de 10 % depuis le début de l’année, avec de violents mouvements sur certaines valeurs comme Vallourec, qui a dévissé de 43 %. La question que ne manquent pas de se poser les petits porteurs est simple : que faire ?
Pour y voir plus clair, leur réflexe naturel est d’écouter les conseils d’experts : certains leur annonceront la poursuite de la baisse, en décelant dans l’historique des cours des tendances et récurrences – c’est l’analyse « chartiste » ; d’autres soutiendront que les cours remonteront, après avoir étudié à la loupe les business plans des sociétés – « l’analyse fondamentale ». Tous ont la conviction que l’on peut raisonnablement prévoir le cours des actions et donc « battre le marché » en anticipant le mouvement des titres.
Marche au hasard. Pourtant, les économistes ont depuis longtemps émis quelques doutes sur cette « préscience ». Ils considèrent que le cours d’une action est tout simplement imprévisible et suit un processus de « marche au hasard ». Si l’on sait aujourd’hui qu’une entreprise va décrocher demain un gros contrat, il est inutile de parier sur la hausse du titre puisque le cours actuel intègre déjà cette information. Comme l’a montré le prix Nobel Eugène Fama, seules de nouvelles informations peuvent faire varier les cours mais il n’est par définition pas possible de les connaître à l’avance, sauf à se livrer à un délit d’initié. Ainsi, lorsque le marché a appris les suspicions de fraude qui pesaient sur Renault, le titre a décroché en quelques minutes de 20 % : qui pouvait le prévoir ? Personne.
Afin de démontrer la pertinence de leur thèse, les économistes se sont livrés à de nombreuses expériences. Le Wall Street Journal a ainsi fait jouer un chimpanzé contre des traders, l’animal choisissant ses titres en lançant des fléchettes sur des étiquettes représentant chacune une action. Résultat des courses : le chimpanzé a fait aussi bien que les professionnels ! Une autre expérience a fait jouer une fillette de 4 ans, un trader et une astrologue à la Bourse de Londres : la petite fille s’en est mieux sorti que les deux autres joueurs. Plus récemment, en 2013, le Guardian a répété l’expérience avec un chat, dénommé Orlando, qui s’est confronté à une équipe de professionnels de la finance et à un groupe d’étudiants. Au bout d’un an, Orlando a affiché la meilleure performance, avec un gain de 4,2 % !
Patience. Quelles conclusions tirer de ces troublantes expériences ? Tout d’abord, qu’il est peut-être inutile de perdre son temps à décrypter les cours de Bourse et à écouter les conseils de professionnels. Il suffit d’investir au hasard dans l’indice CAC40, en s’en remettant par exemple… à la sagesse de son chat. Le hasard n’empêche toutefois pas la prudence : afin d’éliminer le risque lié à la détention d’un seul titre, il est judicieux de diversifier son portefeuille ou d’acheter un fonds indiciel. Surtout, la principale qualité pour réussir en Bourse réside dans la patience. Selon une étude de l’AMF, un investissement en actions françaises conservé sur la période 1988/2013 a procuré, avec réinvestissement des dividendes, un rendement annuel moyen réel de 5,81 %. C’est mieux que l’immobilier ou l’or.
Finalement, le fait que la Bourse soit un casino n’est pas vraiment un problème puisqu’elle procure à long terme un rendement positif. Elle devrait même inciter les amateurs de jeux de hasard à y investir leurs économies, plutôt que de les jouer au loto : à la Bourse au moins, on est sûr de gagner à tous les coups… à condition d’être patient.