« IA= révolution technologique = forte croissance à l’horizon ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 1er Juillet 2021 sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la croissance économique.

IA= révolution technologique = forte croissance à l’horizon ?

La productivité du travail connaît un net rebond depuis la crise Covid, après plus de quinze ans d’atonie dans les pays développés. Ainsi, aux Etats-Unis, pour le premier trimestre 2021, elle a bondi à 5,4 %, contre une moyenne de 1,5 % avant la crise sanitaire. On peut y voir un simple effet de rattrapage, avec la remise en route de l’économie américaine à un rythme accéléré.

Mais on peut aussi penser que ce regain de la productivité exprime des changements structurels, lancés à l’occasion de la crise Covid et qui perdureront après elle. Tout d’abord, le travail à distance va durablement s’implanter dans les entreprises et améliorer les performances des salariés, en limitant les pertes de temps. Ensuite, les achats en ligne sont devenus une habitude pour les consommateurs et les entreprises ont vu tout l’intérêt de ce nouveau canal de distribution, en complément de leurs points de vente physiques. Enfin, la robotisation des chaînes de production s’est accélérée, tandis que l’intelligence artificielle commence à se diffuser dans certains secteurs.

A cet égard, plusieurs économistes – à l’image d’Erik Brynjolfsson du MIT — considèrent que l’intelligence artificielle va être à l’origine d’une période de forte croissance économique, parce qu’il s’agit d’une « innovation à usage général » (« general purpose technologies »), au même titre que la machine à vapeur, l’électricité ou l’informatique dans le passé. Selon Bresnahan et Trajtenberg, une innovation à usage général présente trois caractéristiques principales : elle est transversale ; elle s’améliore au cours du temps ; elle est source d’innovations complémentaires. Reprenons tour à tour chacune de ces caractéristiques.

 Pour ce qui est de la transversalité, il est clair que l’intelligence artificielle peut s’appliquer potentiellement à tous les secteurs, que ce soit pour prédire les comportements d’achat, diagnostiquer de nouvelles maladies ou rendre autonome la conduite de véhicules. Ensuite, l’intelligence artificielle s’améliore continument au cours du temps, grâce au deep learning : le rapport IA Index 2021 de l’Université de Stanford montre par exemple qu’en matière de reconnaissance d’image, l’IA dépasse depuis 2017 les performances des êtres humains. Dernière caractéristique : l’intelligence artificielle va susciter de nombreuses innovations complémentaires. On pense bien entendu à des innovations physiques, à l’image des infrastructures routières qui accueilleront demain la voiture autonome.

Mais on peut aussi penser à toutes les innovations organisationnelles et de « business model » qui vont avoir lieu dans les entreprises grâce à l’IA : il va falloir en effet redéfinir les tâches et les postes, former la main-d’œuvre ou bien encore repenser la manière d’entrer en contact avec le client ou de commercialiser un produit. Et c’est sans doute là que réside le principal obstacle à surmonter : ces innovations complémentaires risquent de se heurter à des comportements d’attentisme ou de résistances sociales au changement. Plus les délais de mise en place de ces innovations complémentaires seront longs, moins l’intelligence artificielle sera en mesure de délivrer toute sa puissance en termes de croissance économique et de gains de productivité. Le risque est alors, pour reprendre une célèbre formule de Robert Solow, que l’IA soit partout… sauf dans les statistiques du PIB.

Emmanuel Combe est professeur à Skema business school et vice-président de l’Autorité de la concurrence.

 

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