Ce que nous enseigne la révolution du low cost aérien

La récente publication du rapport York Aviation sur l’avenir du low-cost aérien en Europe est venue confirmer ce que tout le monde savait déjà : avec une part de marché intra-Europe qui dépassera 50% à l’horizon 2020, le « low cost » a remporté la bataille du ciel sur le segment du court/moyen-courrier. De nouveaux venus, qui n’existaient pas il y a encore quinze ans, sont venus déstabiliser les équilibres existants, en redéfinissant de fond en comble les contours d’un modèle économique, que ce soit au niveau des coûts, des prix ou des prestations offertes aux clients.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette révolution économique, qui vont bien au-delà du seul secteur aérien.

Premier enseignement : face à la nouveauté radicale, les opérateurs installés ont du mal à réagir rapidement et radicalement. Sous le poids de la routine, des pesanteurs organisationnelles, de leur grande taille, les majors ont systématiquement sous-estimé la menace, en réduisant le « low cost » à un marché de niche ou à un artifice fondé sur la capture de subventions publiques. Sans voir que le principal atout des « low cost » était en réalité leur jeunesse, qui permet d’être agile, audacieux, à l’écoute des nouvelles attentes des clients… Plus encore, à l’heure de la contre-attaque, les majors ont concentré leurs critiques sur Ryanair, qui n’est pas un véritable concurrent, et ont délaissé le véritable champ de bataille, qui se trouvait pourtant sous leurs yeux, au coeur même de leur réseau, avec l’arrivée de compagnies « midle cost » comme Easyjet. Alors que la révolution du « low cost » appelait une révolution interne chez les grands opérateurs, elle n’a engendré qu’une simple adaptation, faite de demi-mesures et aux effets forcément limités. Notons toutefois que les opérateurs qui ont su réagir ont transformé la menace en opportunité ; leur puissance, loin d’être un handicap, leur a permis de s’imposer : ainsi en est-il de Qantas, qui, face à l’arrivée de Virgin Blue, a organisé très vite la riposte, en lançant sur le sol australien sa propre filiale « low cost » Jetstar.

Second enseignement : au-delà de l’aérien, tous les secteurs sont susceptibles de connaître un jour ou l’autre une innovation de rupture. Qui aurait d’ailleurs cru il y a quinze ans que, avec les mêmes avions et les mêmes contraintes réglementaires que les majors, de nouvelles compagnies parviendraient un jour à baisser les coûts de 40% et le prix moyen du billet de 30% ? La nouveauté n’est pas l’apanage des secteurs de haute technologie, des ingénieurs et de la recherche-développement, pour peu que l’on retienne une vision large de l’innovation, qui englobe toutes les nouvelles manières de produire et de vendre. D’autres secteurs pourraient dans un proche avenir connaître à leur tour leur révolution économique : songeons à la banque de détail, avec l’apparition de banques sans agence physique mais avec un niveau élevé de service au client ; songeons au secteur des taxis, avec le développement en France de la petite remise ou des motos-taxis ; songeons au secteur de la distribution, avec l’essor du commerce en ligne qui impose de repenser le rôle des magasins physiques, en les transformant en lieux d’expérience plutôt qu’en points de vente.

Dernier enseignement : face à ces révolutions économiques, les pouvoirs publics ne doivent pas céder à la tyrannie du court terme et tomber dans le piège du conservatisme. Défendre l’existant contre l’émergent ne fait que retarder l’inéluctable et rendre les ajustements plus douloureux encore demain ; ajoutons que, dans un monde ouvert sur l’extérieur, le statu quo laisse le champ libre à des opérateurs étrangers qu’il est ensuite aisé de stigmatiser. Les pouvoirs publics doivent adopter une attitude résolument offensive, en laissant éclore les nouveaux modèles et en accompagnant les transitions, dans le strict respect du droit des salariés et des consommateurs. Les révolutions économiques, tout comme les révolutions politiques, ne peuvent pas être stoppées. Elles constituent en réalité une formidable opportunité de renouveler le tissu industriel d’un pays, grâce à l’entrée de nouveaux acteurs. Des acteurs qui réinventent indéfiniment l’économie, qui font baisser durablement les prix et viennent ainsi redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs.

 

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