La concurrence au secours du pouvoir d’achat

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À l’heure de la hausse durable du prix des matières premières et alimentaires, la question du pouvoir d’achat revient logiquement sur le devant de la scène politique. Comment répondre aux attentes légitimes de la population sur ce sujet si sensible, sans tomber dans les remèdes aux effets limités, tels que les hausses de salaires, ou illusoires, tel que le blocage des prix ?

Il existe en réalité des marges de manœuvre, pour peu que l’on accepte d’élargir les termes du débat. L’enjeu aujourd’hui pour les ménages n’est pas tant de voir leur « fiche de paie » augmenter que leur pouvoir d’achat : l’important, ce n’est pas tant ce que l’on gagne, c’est ce que l’on peut acheter avec ! Pour augmenter le pouvoir d’achat, à défaut de jouer sur les salaires nominaux, les pouvoirs publics peuvent agir sur une autre variable, aux effets plus pérennes : la concurrence.

En premier lieu, une concurrence accrue fait baisser durablement les prix. Ainsi, dans le transport aérien, l’arrivée en France de compagnies low cost sur des lignes jusqu’ici en monopole a conduit à de fortes baisses du prix des billets, y compris chez l’opérateur historique, contraint de s’adapter à cette nouvelle donne concurrentielle. De même, dans la téléphonie mobile, l’entrée prochaine de Free en France devrait se traduire par une diminution des prix de l’ordre de 7 % sur l’ensemble du marché, ce qui représente pour les consommateurs un gain annuel supérieur au milliard d’euros. Au niveau européen, la conclusion du cycle de Doha et l’ouverture concomitante des marchés qui en résulterait conduirait à de substantielles baisses de prix, notamment sur des produits très protégés comme la viande, engendrant pour les consommateurs européens un gain estimé à 20 milliards d’euros.

En second lieu, la concurrence crée du pouvoir d’achat en augmentant le volume global d’emplois. Contrairement aux idées reçues, toutes les études économiques convergent pour montrer que la concurrence, si elle détruit des emplois chez les « insiders », en crée davantage chez les nouveaux entrants, en augmentant la taille du marché. Le cas du transport aérien est à cet égard exemplaire : l’entrée des low cost en France a fait exploser la demande sur certaines lignes comme Londres-Bergerac, créant ainsi nombre d’emplois indirects dans le tourisme et l’économie locale. Dans les secteurs régis par un numerus clausus ou un rationnement, l’ouverture à la concurrence permettrait d’accroître l’offre et de créer ainsi de nouvelles opportunités d’emplois : qui ose encore soutenir que le nombre de taxis parisiens – 16 500 contre plus de 40 000 à Londres – est aujourd’hui suffisant pour satisfaire la demande ?

Bref, stimuler la concurrence permet d’engranger un triple dividende économique : du pouvoir d’achat en plus, de l’emploi en plus, de l’inflation en moins.

Si la concurrence génère de tels gains pour la collectivité, comment expliquer que les pouvoirs publics restent si hésitants à engager des réformes proconcurrentielles ? La réponse est à chercher du côté de l’économie politique : les perdants d’une ouverture à la concurrence sont peu nombreux mais bien organisés tandis que les gagnants, pourtant majoritaires, apparaissent dispersés ; a-t-on déjà vu des consommateurs protester en faveur d’une plus grande concurrence dans le secteur pharmaceutique ? Plus encore, les gains de la concurrence se révèlent à long terme et de manière diffuse, alors que les coûts se manifestent à court terme et sont très visibles. Il est donc politiquement tentant de privilégier le statu quo.

Mais l’histoire n’est jamais écrite à l’avance : en dépit des obstacles, des pays comme la France ont réussi à faire souffler un vent nouveau de concurrence dans des secteurs jusqu’ici protégés. Et si le Liban s’engageait sur la même voie ?

(*) Professeur à l’Université de Paris 1,
Professeur affilié à ESCP Europe
En coopération avec :ESA

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