« Jets privés : l’enjeu est de polluer moins » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié dans L’Opinion le 26 Août 2022 une chronique sur les jets privés.

Jet privés : l’enjeu est de polluer moins

 

A l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique devient une priorité, le sentiment selon lequel tout le monde n’est pas logé à même enseigne s’est invité dans le débat public français, au travers de la polémique sur les jets privés. En substance, il est reproché aux utilisateurs de jets privés de polluer proportionnellement plus que la moyenne, ce qui est exact. Un récent rapport du think tank européen Transport & Environment (2021) rappelle que les vols privés polluent entre 5 et 14 fois plus par passager que les vols commerciaux. De surcroît, la majorité des vols privés à l’intérieur de l’Europe se font sur des distances assez courtes, inférieurs à 500 km, pour lesquels il existe dans 72% des cas  des substituts directs.

Face à cette réalité empirique implacable, quelles politiques publiques pourraient être mises en œuvre, dans le but de réduire la pollution émise par les jets privés ?

Une première option, radicale, consiste à interdire  les vols en jet privé, de manière générale ou lorsqu’existe un substitut direct. Cette solution apparaît clairement disproportionnée et va entrainer des coûts économiques, en réduisant par exemple la connectivité des territoires en Europe, lorsqu’il n’existe pas de substitut direct et rapide. Tel est en particulier le cas des vols d’affaires, effectués par des entreprises qui sont localisées sur un territoire excentré.

Une seconde option consiste à augmenter le prix des vols privés, via une taxation plus forte. On peut par exemple songer à un alignement de la taxe sur le carburant des jets, qui est aujourd’hui inférieure de 35% en France à celle des carburants utilisés dans les voitures. On peut également songer à l’intégration des jets privés dans le système européen d’échange de quotas d’émission. Certains préconisent même d’instaurer une taxe spécifique sur les vols privés, en fonction de la distance du vol, comme cela a été fait en Suisse depuis 2020, avec une taxe comprise entre 500 et 3000 francs suisses. On nous objectera que de telles taxes auront peu d’impact sur la consommation de vols privés, la demande étant assez peu élastique au prix. Mais elles auront au moins le mérite de rapporter des recettes fiscales qui pourront être utilisées pour favoriser la décarbonation du transport aérien.

Une troisième option est d’imposer aux jets privés d’utiliser davantage de carburants alternatifs, les fameux SAF (sustainable advanced fuels). Selon le rapport Transport & Environment, cette obligation conduirait à augmenter le prix d’un vol de 2 à 6%, sous l’hypothèse d’un taux d’incorporation de 50% à l’horizon 2030. Encore faut-il toutefois que les capacités de production de SAF soient suffisantes en Europe, ce qui n’est pas encore le cas.

Une dernière solution consiste à favoriser le développement d’une filière de jets « zéro émission », et notamment l’avion 100% électrique, assez adapté sur de courtes distances. La taxation évoquée plus haut pourrait ainsi être utilement utilisée pour accélérer le développement de ces avions verts. Une obligation progressive d’utilisation de ces appareils (sur de courtes distances) pourrait alors être imposée au niveau européen. Nous parviendrions ainsi à une décarbonation des jets privés, sans pour autant interdire les vols privés.

 

 

 

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