« Convention citoyenne sur le climat : ne pas oublier le raisonnement économique » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 23 Juin 2020, sur les résultats de la convention citoyenne sur le climat.

 Convention citoyenne sur le climat : ne pas oublier le raisonnement économique

Après huit mois de travail, la Convention citoyenne pour le climat a rendu ses propositions au gouvernement. Il faut d’emblée se réjouir de la méthode retenue : 150 citoyens tirés au sort et aidés par des présentations d’experts ont décidé collectivement de ce qui leur paraissait important de faire pour diminuer d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Cette méthode inclusive a permis une forme d’appropriation par la population d’un sujet majeur pour notre avenir. Pour autant, si certaines propositions sont intéressantes, le résultat d’ensemble laisse assez perplexe.

Tout d’abord, bien qu’elle soit organisée autour de cinq thématiques principales, les propositions ressemblent à une liste à la Prévert, mettant sur le même plan des mesures générales telles « qu’accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux » et des mesures très précises telles « qu’imposer un suivi régulier de la formation des chauffeurs à l’écoconduite ». Il manque à la fois une hiérarchisation des mesures et un fil conducteur qui donne une vision d’ensemble.

Plus fondamentalement, la lecture des propositions frappe par le faible recours à l’analyse économique. Cette caractéristique est sans doute le reflet de la faible appétence des Français pour la culture économique.

Première illustration : lorsqu’une mesure est énoncée, elle ne fait pas l’objet d’une vraie analyse coût/bénéfice. Ainsi, la réduction de la vitesse sur les autoroutes à 110 km/h diminue certes les émissions de CO2 mais engendre aussi un coût pour la collectivité, qui ne se réduit pas à « un allongement des temps de trajet […] entre quatre et huit minutes par heure ». Réduire la vitesse augmente les coûts de production, ce qui va avoir un impact sur les prix ou les marges.

Seconde illustration : les propositions prennent souvent la forme d’injonctions. « Rendre obligatoire », « imposer », « obliger », « interdire » sont des termes qui reviennent souvent. Une telle approche est assez différente de celle préconisée par les économistes : pour changer les comportements des ménages comme des entreprises, les économistes misent plutôt sur le signal des prix. Ainsi, lorsque que l’on veut réduire une consommation ou une production, il faut taxer, parfois très fortement. A l’inverse, lorsque l’on veut encourager un type de consommation ou de production, on doit mettre en place une subvention, qui n’est rien d’autre qu’une taxe négative. Bref, pour les économistes, l’impératif écologique passe plus par les incitations que les injonctions ou interdictions.

Dernière illustration : les propositions se limitent au niveau franco-français, alors même que l’efficacité finale de l’action publique en matière de pollution dépend largement de la coordination des comportements entre les pays. On notera toutefois que les citoyens ont évoqué ce sujet dans une « note de synthèse relative aux orientations », ajoutée au rapport final. Ils y préconisent l’imposition d’une « taxe aux frontières », idée chère aux économistes, reprise récemment dans un rapport de l’Institut Montaigne sous l’angle du « dividende carbone ». C’est peut-être un moyen discret et subtil de remettre sur la table le sujet explosif de la taxe carbone… grand absent des propositions de la Convention citoyenne.

Emmanuel Combe est professeur à Skema Business School et vice-président de l’Autorité de la concurrence.

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