« Transport aérien en Europe : recomposition à venir ?

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Emmanuel Combe a publié dans L’Opinion  le 5 Aout 2021 une chronique sur la recomposition du transport aérien en Europe après le Covid-19.

 

Transport aérien en Europe : recomposition à venir ?

 

La crise du Covid-19 pourrait bien jouer le rôle d’un accélérateur dans la recomposition que connait le transport aérien en Europe. Pour le dire de manière schématique, nous avons assisté depuis 25 ans à l’irrésistible montée en puissance du modèle dit « low cost », au détriment des grands opérateurs historiques.

La crise du Covid-19 pourrait bien conduire à une seconde recomposition du ciel européen, plus subtile. En effet, l’opposition souvent faite entre acteurs historiques et compagnies low cost est devenue trop simple et binaire. En réalité, il convient de distinguer quatre types d’opérateurs.

Tout d’abord l’ultra low cost, représenté par Ryanair ou Wizzair : ces compagnies disposent d’une base de coût très faible, de l’ordre de 3 centimes au kilomètre ; elles opèrent principalement au départ d’aéroports secondaires et ciblent d’abord les clientèles touristiques et affinitaires ; elles pratiquent des prix très bas : 37 euros en moyenne pour Ryanair en 2019 ; elles disposent d’une grande agilité organisationnelle et optimisent leurs coûts, notamment en jouant sur les différences de droit du travail entre pays européens.

Nous trouvons ensuite les compagnies « middle cost » de type « pure player » comme easyJet, qui affichent une base de coût plus élevée, de l’ordre de 6 centimes au kilomètre ; elles décollent plutôt de grands aéroports et ciblent la clientèle affaires ; le prix moyen de leur billet était de 60 euros en 2019.

Nous trouvons en troisième lieu les acteurs historiques comme Air France et Lufthansa, qui opèrent avec une base de coût élevée (supérieure à 10 centimes au kilomètre) et adressent plutôt la clientèle affaires au départ de grands aéroports.

Nous trouvons enfin les filiales low cost de ces mêmes opérateurs historiques, à l’image de Transavia pour Air France ou d’Eurowings pour Lufthansa. Ces filiales ont un positionnement assez similaire à celui des « pure players » du middle cost en termes de coût. Mais, elles disposent d’un atout majeur : les précieux créneaux de décollage dans les grands aéroports congestionnés, à l’image d’Orly.

ll est probable que la crise du Covid-19 va modifier la part respective de ces différents acteurs dans le ciel européen.

Le modèle ultra low cost en sortira renforcé : il se trouve dans une situation financière suffisamment solide pour passer demain à l’attaque, en ouvrant des lignes ; il va profiter du retour de la clientèle touristique ; il va maintenir ses coûts à un niveau très bas, dans un contexte de baisse des salaires des personnels navigants et des redevances aéroportuaires.

De leur côté, les grands opérateurs historiques qui ont bénéficié d’aides d’Etat massives vont faire monter en puissance leur filiale low cost, en ciblant la clientèle touristique et affinitaire. La marque historique va être cantonnée quant à elle à l’alimentation des vols long courrier sur les hubs. Ce scénario de substitution de modèles et de marques à l’intérieur même de l’opérateur historique est visible aujourd’hui chez Air France, avec la forte montée en puissance de Transavia, qui commence à opérer des lignes domestiques.

Qui pourrait bien faire les frais de cette recomposition du ciel européen ? Les « pure players » du middle cost. Elles n’ont pas la base de coût et l’efficacité opérationnelle suffisante pour venir concurrencer les ultra low cost ; elles vont en revanche devoir faire face à la concurrence accrue des filiales des grands opérateurs historiques.

 

 

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