La roue du commerce n’en finit jamais de tourner : le rachat de l’enseigne de chaussures André et de ses 165 points de vente par le site de vente en ligne Spartoo marque une nouvelle étape dans la (jeune) histoire du e-commerce.
Lorsqu’il est né il y a 20 ans, d’aucun prédisait le déclin à venir des magasins physiques, voués à être progressivement « cannibalisés »par les ventes sur Internet. Cette prédiction s’est révélée plutôt erronée : en 2016, le commerce en ligne, quoiqu’en progression continue, représentait en Europe à peine 10% du commerce de détail et avoisinait les 15% aux Etats-Unis. Il est vrai que certains produits ont déserté les boutiques physiques pour migrer vers le « on-line », à l’image des billets d’avions.
Aujourd’hui le e-commerce franchit une nouvelle étape : c’est au tour des « pure players » de faire le pas du magasin en dur, en développant une stratégie « phygitale », contraction de «physique» et « digitale ». Le mouvement a été inauguré dès 2015 par Amazon, avec l’ouverture de librairies aux Etats-Unis et s’est poursuivi avec le rachat des 464 magasins de la chaîne de produits alimentaires Whole Food Markets.
Si les « pure players » se lancent dans le physique, ce n’est pas seulement pour le moderniser, y apporter leur savoir-faire technologique et digital, leur réactivité et agilité, en innovant par exemple pour réduire le lancinant problème de l’attente aux caisses. C’est aussi et surtout parce qu’ils savent qu’au-delà des technologies, le commerce physique peut redevenir demain ce qu’il n’aurait jamais dû cessé d’être : plus qu’un simple point de vente, un véritable lieu d’expérience et d’échanges. Un lieu où le client peut toucher le produit, le tester, discuter, ressentir, sentir, s’émouvoir. Un lieu où se créé l’actif immatériel le plus précieux pour tout commerçant, depuis la nuit des temps : la fidélité.
Emmanuel Combe est professeur des universités, professeur affilié à Skema Business School.