« Air France quitte Orly : partir pour mieux rester » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 24 Octobre 2023.

Air France quitte Orly : partir pour mieux rester

Le groupe Air France a annoncé la semaine dernière qu’il allait retirer d’Orly la quasi-totalité de ses vols sous la marque Air France, pour recentrer cette dernière sur Roissy. Une telle décision est l’aboutissement logique d’une révolution qui a bouleversé le ciel européen depuis 30 ans : la révolution du low cost.

Avant l’arrivée des low cost, l’idée dominante dans l’aérien était qu’il y avait deux marchés : le long courrier et le court/moyen courrier. Le low cost a conduit à remettre en cause cette distinction trop simple : au sein même du court/moyen courrier, il y a deux segments bien distincts, chacun répondant à un besoin spécifique.

D’un côté, il y a les vols qui desservent un « hub » en vue d’alimenter les vols long courrier. Ces vols n’ont pas pour vocation d’être rentables par eux-mêmes : ils visent surtout à  remplir les vols long courrier, sur lesquels se joue la rentabilité. Sur ce type de vols, les clients veulent minimiser les temps d’attente entre les deux vols ; ils exigent aussi de la continuité et de la qualité de service. Ces vols d’apport sont depuis toujours le cœur de métier des grandes compagnies historiques : ils s’incarnent en France avec la marque Air France (ainsi que Hop) et son hub de Roissy.

D’un autre côté, il y a les vols dits «  point à point » : ils visent à relier une ville A à une ville B. Ils se doivent donc d’être rentables par eux-mêmes. Sur ces vols, les clients sont en quête d’efficacité et de prix bas. La prestation offerte est basique, avec des options payantes sur tout ce qui est accessoire.

Grace à leur coûts bas, les low cost  ont fait des vols en point à point leur terrain de jeu favori. Ils s’y sont engouffrés avec succès à partir des années 2000 et ont trouvé rapidement le chemin de la rentabilité. A l’inverse, compte tenu de leurs coûts de production élevés au siège kilomètre, les compagnies historiques ont accumulé les pertes sur le point à point. La crise Covid a accentué cette tendance, avec la chute du trafic affaires. Les compagnies historiques se devaient de réagir, au risque sinon de … sortir progressivement de ce segment de marché.

Pour rivaliser avec les low cost, elles ont choisi de se dédoubler en créant leur propre filale low cost, dédiée au point à point. C’est ainsi qu’est née dès 2007 Transavia, filiale low cost d’Air France, au départ d’Orly. Les débuts ont été difficiles : ne voulant pas créer de concurrence frontale entre ses deux marques, Air France a cantonné Transavia à des lignes qu’elle n’opérait pas ou plus ; ce choix a longtemps bridé la croissance de sa low cost. C’est seulement depuis 2020 que Transavia a obtenu l’autorisation d’augmenter sa flotte, qui est passée de 38 à 71 appareils aujourd’hui. Une telle croissance impliquait forcément de basculer tôt ou tard toutes les lignes opérées à Orly par Air France vers Transavia. Y compris la fameuse Navette qui relie Toulouse, Nice et Marseille à Paris Orly toutes les heures. C’est désormais chose faite avec les annonces récentes.

La décision d’Air France de quitter Orly n’est donc paradoxalement pas une sortie du marché.  Bien au contraire, elle marque sa volonté de rester sur le point à point mais de manière rentable c’est-à-dire en mode low cost. Deux besoins, deux modèles, deux marques et désormais … deux aéroports.

 

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