Emmanuel Combe a publié une chronique sur le Mercosur dans L’Opinion le 26 Juin 2023.
Accord UE/Mercosur : 4 (bonnes) raisons de signer
Le projet d’accord commercial entre l’Union Européenne et le Mercosur suscite de vives controverses en France. A l’heure où Ursula von der Leyen est partie plaider en Amérique du Sud la signature d’un accord « gagnant-gagnant », les députés français ont fait part de leur forte opposition, invoquant la la lutte contre le changement climatique et le respect des normes de production européenne. Si ces craintes appellent à une grande vigilance dans la mise en oeuvre de l’accord, il serait toutefois dommageable de ne pas le signer. Et ce pour au moins quatre raisons.
La première est économique. L’ouverture commerciale est mutuellement bénéfique pour les deux régions. Elle permet de stimuler les exportations dans les secteurs où l’Europe dispose d’un avantage comparatif fort. On songe notamment à l’automobile, la pharmacie, le luxe ou l’agro-alimentaire. Mais aussi aux vins et spiritueux, aux fromages et produits laitiers : en particulier, la reconnaissance de 350 indications géographiques ouvre la voie à une forte croissance de nos exportations. L’ouverture commerciale aura aussi un effet bénéfique sur les secteurs concurrencés par les produits du Mercosur : la menace des importations constitue un levier de gains de productivité et de réformes.
La seconde raison est politique. Si certains producteurs agricoles expriment en Europe leur vive inquiétude, il faut raison garder. L’accord avec le Mercosur ne se traduira pas par un raz-de-marée des importations, notamment dans les secteurs les plus sensibles comme le bœuf ou le sucre. Il ne s’agit pas d’une libéralisation totale mais d’une hausse des quotas à tarif préférentiel. Prenons l’exemple du bœuf : selon le think tank Bruegel, les quotas supplémentaires de 99 000 tonnes représenteront 1,2% de la consommation européenne de bœuf. De plus, l’Europe importe déjà beaucoup plus que les quotas existants, notamment pour le bœuf frais. L’impact de l’accord sera donc limité, et ce d’autant que la libéralisation est étalée sur plusieurs années.
La troisième raison est géostratégique. A l’heure où l’Union Européenne entend développer sa souveraineté, un levier important consiste à diversifier et sécuriser nos sources d’approvisionnement nécessaires pour engager la révolution verte. N’oublions pas par exemple que l’Amérique du Sud, et notamment l’Argentine, abrite les plus grandes réserves mondiales de lithium. La conclusion d’un accord commercial permettrait de garantir un approvisionnement à un prix compétitif. Si nous ne signons pas d’accord, d’autres pays le feront à notre place, et en particulier la Chine, qui est déjà le premier partenaire commercial du Mercosur.
La dernière raison tient au signal que l’Europe peut envoyer au reste du monde : dans un contexte de guerre commerciale, l’Europe fait le choix de la coopération. Certes, il ne s’agit pas d’une coopération multilatérale, sur une base non discriminatoire, comme cela existe au sein de l’OMC. Il s’agit d’une coopération bilatérale : deux régions décident de s’ouvrir, en s’accordant mutuellement des baisses de droits de douane et des hausses de quotas. Dans un contexte où le multilatéralisme de l’OMC est à l’arrêt, le bilatéralisme a au moins un mérite : éviter le protectionnisme généralisé qui ne fait que des perdants à la fin.