Le transport aérien aborde les nouveaux rivages du low cost (Les Echos)

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Né il y a maintenant plus de quinze ans en Europe, le low cost aérien a connu une forte expansion, pour représenter aujourd’hui près de 40 % du trafic court et moyen-courrier sur notre continent. Si les fondamentaux du modèle sont toujours les mêmes – une logique de point à point, qui permet d’utiliser plus intensément les appareils, une promesse client recentrée sur l’essentiel (la sécurité des vols et leur ponctualité), l’accessoire étant mis en options payantes – plusieurs variantes du modèle coexistent.

Ainsi, une compagnie comme Ryanair a fait le choix de rester sur un positionnement marqué d’abord par le prix, en décollant d’aéroports secondaires, en explorant de nouvelles lignes et en ciblant le segment du voyage d’agrément (jeunes, touristes, clientèle dite « ethnique « , etc.). D’autres ont misé sur une concurrence plus frontale avec les majors, en s’implantant sur de grands aéroports et en s’adressant davantage à une clientèle business, à l’image d’easyJet ou de Vueling. Ces dernières – parfois qualifiées de « middle cost  » – ont été logiquement conduites à enrichir leur offre au fil des ans, au travers d’options payantes, pour mieux répondre aux attentes spécifiques de leurs clients : embarquement-débarquement prioritaire, billets flexibles, choix des sièges, etc. Dans cette montée en gamme, un phénomène récent mérite que l’on s’y arrête, tant il marque à la fois le parachèvement de leur modèle et un nouveau pari sur l’avenir : la mise en place d’un système de connexions.

La connexion consiste à proposer au client d’embarquer à l’arrivée sur un autre vol, sans aller jusqu’à lui garantir une correspondance entre les deux vols. Le premier opérateur à l’avoir fait est Germanwings, dès 2007, avec le « smart connecting », mais d’autres compagnies l’ont récemment repris à leur compte.

Prenons l’exemple d’easyJet et de son récent accord avec Emirates, qui permet aux clients du programme Skywards d’utiliser leurs points de fidélité sur le réseau de la low cost. Si l’accord a des objectifs bien plus larges que la seule connexion, il a aussi pour effet d’inciter les passagers d’Emirates en transit en Europe à poursuivre leur vol avec easyJet, qui récupère ainsi un précieux trafic additionnel.

L’émergence d’une logique de connexion chez les opérateurs low cost constitue une évolution majeure. En effet, elle repose sur le pari selon lequel un opérateur peut bénéficier d’une sorte de « hub naturel » sans qu’il lui soit forcément besoin de créer un véritable système de correspondances ni en supporter les coûts afférents. Mais, pour rencontrer le succès, un tel système doit réunir au moins trois conditions.

En premier lieu, l’aéroport de connexion doit être suffisamment important pour offrir un portefeuille attractif de destinations et attirer des clients qui auraient pu opter pour des vols directs : au départ de Barcelone, un passager de British Airways se voit par exemple proposer pas moins de 74 destinations.

En deuxième lieu, un minimum de coordination doit être mis en place pour faciliter le parcours du client, que ce soit lors de la délivrance du billet, de l’enregistrement et du transfert des bagages.

En dernier lieu – et il s’agit sans doute du point le plus fondamental -, les temps d’attente entre deux vols doivent être bien calibrés : pas trop courts pour permettre une connexion certaine; pas trop longs pour ne pas décourager les clients. La sensibilité de ces derniers au facteur temps, comparé au prix du billet, constitue a priori l’élément clef du succès. Après avoir monté en gamme leurs prestations en vol, certaines low cost pourraient du coup se lancer dans un enrichissement de leur offre… au sol. On serait alors bien loin de l’image d’Epinal d’un modèle low cost offrant toujours un service minimaliste. L’adage selon lequel « on naît low cost, on ne le devient pas » mérite plus que jamais d’être complété : si l’on naît bien low cost, il existe aujourd’hui plusieurs manières de le rester.

Emmanuel Combe est vice-président de l’Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP Europe

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