« Qui sont ces compagnies aériennes aux noms exotiques ? » (Le Parisien)

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Emmanuel Combe a été interviewé par Le Parisien le 28 Mai 2022 dans le cadre d’un article sur le low cost aérien.

Wizz Air, Buzz, Malta, Lauda, Volotea… Qui sont ces compagnies aériennes aux noms exotiques ?

 

Les jeunes compagnies low-cost essaiment sur les tarmacs. À qui appartiennent-elles ? Est-ce un bon plan de réserver les billets de vos vacances chez ces transporteurs ? Réponses.

Sur le tarmac de nos aéroports régionaux, on voit décoller de plus en plus d’avions aux carlingues colorées et aux noms exotiques : Wizz Air, Buzz, Malta, Lauda, Volotea… Premier point commun de toutes ces compagnies : ce sont des low-cost, voire des ultra-low cost. Des transporteurs qui traquent les coûts de gestion et d’organisation comme personne. Et ces petits noms mignons et ces appareils décorés d’une abeille jaune, à la livrée rose vif ou vichy rouge ne cachent pas des petits joueurs de l’aérien. Mais bien des géants du ciel.

«Wizz Air est devenue la première compagnie en Europe de l’Est, rappelle Xavier Tytelman, consultant aéronautique chez Starburst Accelerator. Elle a même réussi là où Ryanair avait échoué depuis des années : obtenir des créneaux à Orly, après la faillite d’Aigle Azur en 2019. » Au dernier trimestre 2021, Wizz Air a transporté 7, 8 millions de passagers. Pour comparaison, le groupe Air France-KLM-Transavia en a fait voyager 15, 8 millions. La compagnie d’origine hongroise est tellement florissante qu’elle a créé l’événement en passant une énorme commande de 102 avions neufs auprès d’Airbus, lors du dernier Salon aéronautique de Dubaï.

Ryanair aux commandes

« En réalité, l’aéroport de Beauvais est essentiellement aux mains de deux compagnies géantes, ultra-low cost, qui se livrent une guerre acharnée dans le ciel de l’Europe : Ryanair et Wizz Air, analyse Emmanuel Combe, professeur à la Skema Business School et spécialiste de l’aérien. Ryanair est la première compagnie d’Europe avec 450 avions, soit trois à quatre fois plus qu’Air France en moyen-courrier. Pour l’instant, Wizz Air est limitée à l’Europe de l’Est. Il lui est difficile d’obtenir des créneaux à l’Ouest. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a proposé de racheter EasyJet. »

Car derrière les compagnies Malta Air (Malte), Buzz (Pologne) et Lauda (Autriche), c’est en réalité Ryanair qui est à la manœuvre. Juste avant le Brexit, la compagnie irlandaise a repositionné une partie de ses avions et de ses personnels dans plusieurs filiales. Début 2018, elle a créé Ryanair Sun, renommée Buzz à l’automne 2019. En janvier 2019, elle a pris 100 % de participation dans la compagnie de l’ancien pilote Niki Lauda et, en juin 2019, elle a créé Malta Air. Les raisons sont stratégiques, économiques et fiscales. Malte offre par exemple un régime d’imposition parmi les plus avantageux d’Europe, avec un taux de 0 % sur les ventes réalisées hors de l’île tandis que les pilotes polonais de Buzz exercent en tant qu’entrepreneurs indépendants.

Low-cost ne rime pas nécessairement avec tout petit prix

À côté de ces géants, l’espagnole Volotea est la petite compagnie indépendante qui monte depuis 2012. « Elle ouvre des lignes partout et enregistre une croissance de 10 % par an, observe Xavier Tytelman. Elle multiplie les lignes de niche, les teste et les abandonne si elles ne sont pas rentables. » Volotea opère de sept bases en France : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Toulouse. De quoi faire de bonnes affaires côté consommateur ? « Le prix du billet n’est pas particulièrement bon marché mais comme elle propose du Bordeaux-Corfou (120 euros pour un aller le 26 juin et un retour le 3 juillet) ou du Caen-Toulouse (174 euros pour un départ le 27 juin et un retour le 4 juillet), c’est forcément plus intéressant pour les passagers que de faire une escale par Paris », observe le consultant.

Globalement, « low cost ne veut pas dire low price », résume Emmanuel Combe. En bon français, les coûts réduits ne sont pas synonymes de petits tarifs. Pourquoi ? « Parce que le prix a trois causes : les coûts de production mais aussi la concurrence et la demande », rappelle l’économiste. Ainsi, un billet vers une destination très touristique, en haute saison, coûtera très cher, autant, voire parfois plus qu’une compagnie traditionnelle. Comptez 192 euros sur Volotea pour un Paris-Corfou, départ le 28 juin et retour le 5 juillet. Ou 180 euros sur Malta Air pour un Paris-Malte, départ le 29 juin et retour le 6 juillet. D’autant que, contrairement à cette dernière, l’opérateur low-cost fait payer au passager des suppléments pour choisir son siège, manger une collation, enregistrer un bagage en soute ou même en cabine. « Au moment de réserver, il faut bien faire ses calculs et vérifier les conditions d’annulation du billet », invite Emmanuel Combe.

Bien regarder les fréquences des vols aussi. La compagnie aérienne a l’obligation légale de vous rembourser si elle est à l’origine de l’annulation ou de vous recaser sur le vol suivant, mais si vous deviez rentrer un dimanche et que le prochain départ est le mercredi… vous aurez perdu trois jours de vacances et autant de frais d’hôtel.

Des avions sûrs mais une politique sociale parfois brutale

Côté sécurité en revanche, aucun doute à avoir. « Si ces compagnies accèdent au territoire européen, c’est qu’elles appliquent toutes les règles de sécurité comme les autres », rappelle Emmanuel Combe. Les low-cost sont même d’autant plus sûres que, extrêmement rentables, elles ont les moyens de s’acheter régulièrement des avions neufs.

Restent les conditions sociales dans lesquelles exercent les salariés. En avril, les personnels de Vueling, Volotea et Ryanair ont déposé des préavis de grève pour dénoncer leurs salaires, le management brutal et leurs emplois du temps chaotiques. Plusieurs affaires ont aussi atterri sur le bureau des juges. La dernière en date : des infractions au temps de vol et de repos relevées chez Volotea par l’inspection du travail, qui a porté le dossier devant le tribunal de Nantes (Loire-Atlantique). Le délibéré doit être rendu le 7 juin.

 

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