Emmanuel Combe a publié dans L’Opinion le 21 Juin 2021 une chronique sur les start-up de la tech.
Vive la tech !
Alors que le salon Vivatech vient de s’achever, on peut se demander si l’engouement suscité par un tel évènement n’est pas exagéré. De prime abord, lorsque l’on parle de start-up du numérique, on parle au mieux de quelques milliers d’entreprises, alors que notre pays en compte 2,7 millions ; de même, selon une étude de Roland Berger, les 120 plus grosses start-up du numérique représentaient en 2020 160 000 emplois directs et indirects, soit… moins de 1 % de l’emploi salarié.
Mais en réalité, si nous portons autant d’attention à ces pépites en devenir, c’est pour une bonne raison : elles constituent un ingrédient essentiel de notre croissance économique future. En effet, ce qui tire aujourd’hui la croissance d’un pays développé comme la France, ce sont les gains de productivité. Ces derniers proviennent moins des grandes entreprises installées que de l’entrée de nouvelles entreprises plus efficaces : ainsi, selon une étude de la DG Trésor, l’effet schumpétérien de destruction créatrice, par lequel de nouveaux opérateurs viennent remplacer des entreprises installées, expliquerait les deux tiers des gains de productivité en France au cours de la période 2011-2017.
Un tel phénomène a une double explication. Tout d’abord, les nouvelles entreprises ont une incitation plus forte à lancer des innovations de rupture : contrairement aux opérateurs installés, elles ne craignent pas de cannibaliser leurs ventes existantes… puisqu’elles n’ont en pas encore ! De plus, les start-up partent d’une page blanche : elles n’ont pas à gérer les contraintes d’une longue histoire, ce qui les rend plus agiles et audacieuses.
Dans le cas du numérique, les start-up lancent souvent des innovations dont les usages sont potentiellement multiples et peuvent irriguer l’ensemble de l’économie : leur impact sur la croissance peut donc être large. Prenons l’exemple d’une entreprise comme Mirakl : spécialisée dans les solutions logicielles de commerce en ligne, elle s’adresse potentiellement à toutes les entreprises qui veulent développer leurs ventes sur Internet. Dans d’autres cas, les start-up du numérique se focalisent sur un secteur d’activité existant mais viennent en révolutionner le fonctionnement : ainsi, dans le domaine de la santé, une entreprise comme Doctolib a permis, grâce à son application, de développer la téléconsultation médicale et de rendre plus fluide la prise de rendez-vous entre médecins et patients.
On comprend dans ces conditions pourquoi la question de la croissance rapide et forte de ces entreprises est devenue si stratégique pour les pouvoirs publics : le nombre de licornes – ces start-up non-côtés qui ont dépassé le milliard d’euros de valorisation — est le signe de la capacité d’un pays à renouveler son tissu économique et donc à générer des gains de productivité. Le succès de la tech numérique n’est pas un sujet pour geeks : c’est d’abord un enjeu pour notre croissance.
A cet égard, si la France reste encore loin derrière un pays comme le Royaume-Uni, elle a fortement progressé ces dernières années : notre pays comptait seulement 5 licornes en 2017 ; elle en compte aujourd’hui trois fois plus. L’ambition est d’atteindre le chiffre de 25 licornes d’ici quatre ans et, pourquoi pas, d’accueillir au sein du CAC40 un nouveau géant d’ici 2030.
Emmanuel Combe est professeur à Skema business school et vice-président de l’Autorité de la concurrence.