« IA générative : la révolution c’est pour quand ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié le 20 Juillet 2023 une chronique dans L’Opinion sur l’IA.

IA générative : la révolution c’est pour quand ?

Après ChatGPT, le modèle de langage basé sur l’intelligence artificielle d’Open AI, voici venue l’heure de Bard, lancé aujourd’hui en Europe par Google.

L’IA générative s’apparente à ce que les économistes appellent une « technologie à usage général» : il s’agit d’une innovation qui s’applique à tous les domaines d’activité, qui s’améliore au cours du temps et qui recèle un fort potentiel de gains de productivité au niveau macroéconomique.

 Une des questions centrales est de savoir à quelle vitesse l’IA générative va se déployer. L’histoire nous apprend qu’il existe souvent un décalage dans le temps entre l’arrivée d’une technologie et sa diffusion dans toute l’économie. Par exemple, aux Etats-Unis, l’électricité s’est diffusée à partir des années 1920, soit plus de 25 ans après son lancement.

Qu’en est-il pour l’IA générative ? Une récente étude du think tank Brookings apporte des éléments de réponse.

 En premier lieu, il est fréquent qu’une technologie à usage général soit retardée dans son déploiement, faute d’infrastructures suffisantes et d’innovations complémentaires. Par exemple, la diffusion massive de la  voiture électrique suppose qu’il y ait de nombreuses bornes de recharge et des applications pour les localiser. Dans le cas de l’IA générative, il n’y a pas de véritable frein : la puissance de calcul des ordinateurs ne cesse d’augmenter, tandis que l’infrastructure du réseau internet est déjà là.

 En second lieu, le déploiement d’une technologie peut se heurter au comportement attentiste des utilisateurs, qui   restent sur l’ancienne technologie, le temps que les autres consommateurs changent. Dans le cas de l’lA générative, on n’observe pas de phénomène « d’excès d’inertie » : deux mois après son lancement, ChatGPT a déjà dépassé les 100 millions d’utilisateurs !

 En troisième lieu, le prix élevé d’une nouvelle technologie lors de son lancement constitue un obstacle à sa diffusion massive.  Il faut attendre que la concurrence, les économies d’échelle et la courbe d’expérience fassent leur œuvre pour que l’accès se démocratise. Dans le cas de l’IA générative, la question du prix ne semble pas constituer un obstacle majeur : il suffit de débourser un  peu plus de 20 euros par mois pour pouvoir s’y abonner.

 En dernier lieu, la diffusion d’une technologie révolutionnaire peut être freinée par des résistances sociétales : elle modifie profondément l’organisation du travail, des tâches et des hiérarchies ; elle fait des gagnants et des perdants. Dans le cas de l’IA générative, une récente étude académique d’Eloundou & alii conclut que 49% des travailleurs américains vont voir la moitié de leurs tâches effectuées par l’IA. Avec une vraie nouveauté : les cols blancs seront en première ligne. Avocats, professeurs, médecins, designers, publicitaires, tous seront touchés par la déferlante. L’IA ne va pas affecter, comme par le passé, les tâches routinières mais les tâches créatives et intellectuelles. Quel sera son impact sur les rémunérations, le contenu des postes, les compétences ? Sera-t-elle utilisée simplement pour baisser les coûts ou pour augmenter la créativité des salariés ? Va-t-elle égaliser les compétences, en améliorant celle des personnes moins qualifiées ou élargir le gap entre salariés ? Autant d’interrogations qui n’ont pas encore de réponses claires et qui risquent … de retarder son déploiement massif.

 

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