Emmanuel Combe a publié dans Les Echos le 14 Février 2022 une chronique sur le pouvoir d’achat et la concurrence.
Pouvoir d’achat : ne pas oublier la concurrence
A l’approche des élections présidentielles, les sondages sur les attentes des français se multiplient et se ressemblent : sans surprise, la question du pouvoir d’achat reste en tête des priorités. Les décideurs politiques tentent d’apporter des réponses à cette revendication pressante, en mobilisant des instruments tels que les chèques énergie ou les primes d’inflation. Ces propositions ont le mérite d’être mobilisables à court terme et visibles.
Mais le pouvoir d’achat peut être également préservé ou augmenté en jouant sur un levier structurel puissant : la concurrence. La concurrence incite les entreprises installées à rester efficaces, en contrôlant leurs coûts de production. De plus, elle évite les situations de monopole ou de pouvoir de marché excessif. Enfin, elle favorise l’entrée de nouveaux opérateurs plus efficaces et donc moins chers.
Les pouvoirs publics disposent de plusieurs leviers pour entretenir et stimuler la concurrence.
Un premier levier consiste à renforcer la mobilité des consommateurs, pour qu’ils puissent faire jouer davantage la concurrence au sein d’un même secteur. Cela suppose qu’ils soient correctement informés des différentes offres existantes. Les comparateurs publics de prix constituent à cet égard un levier intéressant. Cela suppose aussi que les consommateurs puissent changer plus facilement d’opérateur. Les pouvoirs publics peuvent par exemple limiter les coûts de transfert, à l’image de ce qui a été fait en 2008 avec la portabilité en ligne du numéro de téléphone sous 24 heures.
Un second levier consiste à faciliter l’entrée de nouvelles entreprises en abaissant les barrières réglementaires, sans sacrifier à l’impératif de sécurité et de qualité. On songe en particulier aux professions réglementées : à cet égard, l’indicateur de l’OCDE « Product Market Regulation » montre que la France affiche un score légèrement au-dessus de la moyenne, en particulier dans des activités comme la distribution pharmaceutique ou le commerce de détail.
Un troisième levier consiste à continuer à miser sur l’ouverture commerciale avec les pays émergents, en ne cédant pas trop aux sirènes du protectionnisme. Dans le cas américain, Jaravel & Sager ont montré qu’une hausse de 1% du taux de pénétration des importations chinoises se traduisait par une baisse des prix d’environ 2%. Cet effet provient principalement d’une intensification de la concurrence qui contraint les producteurs américains à ajuster leur prix : les importations chinoises jouent un rôle de discipline concurrentielle. Chaque ménage américain, et en particulier les plus pauvres, a ainsi vu son pouvoir d’achat annuel augmenter de 1500$ au cours de la période 2000/2007.
Un dernier levier consiste à continuer à lutter contre les pratiques anti-concurrentielles, qui grèvent le budget des ménages et la compétitivité de nos entreprises. On pense en particulier aux cartels qui spolient les clients, sans aucune contrepartie en termes d’efficacité. Une étude empirique sur un large échantillon de cartels a montré que les hausses de prix résultant de telles pratiques atteignaient en moyenne 17% en Europe. Ceux qui appellent à lever le pied sur la politique de concurrence devrait garder présent à l’esprit ce chiffre.
Mais pourquoi la concurrence figure-t-elle rarement –pour ne pas dire jamais- dans les programmes politiques sur le pouvoir d’achat ? Une raison est qu’elle agit de manière diffuse et à long terme. Comme bien souvent en économie, les leviers les plus puissants ne sont pas toujours ceux que l’on voit le plus.