« Et si on parlait luxe ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 12 Octobre 2016 sur la place de l’industrie du luxe en France.

 

Et si on parlait luxe ?

Alors que les défilés de haute couture de la Fashion Week se sont achevés, il n’est pas inutile de revenir sur l’une des plus belles réussites françaises, aussi discrète que rayonnante : notre industrie du luxe. Une industrie dont nos décideurs politiques parlent peu, préférant vanter les mérites (justifiés) de la French Tech plutôt que ceux de la French Touch. Sans doute parce que le luxe leur fait un peu peur, tant ils craignent l’assimilation de leur image à l’univers de l’opulence et de la jet-set, alors qu’une majorité de Français peine à boucler les fins de mois.

Pourtant, sur un plan économique, le luxe est tout sauf une activité anecdotique : il représente même l’un de nos principaux atouts à l’export, aux côtés de l’aéronautique, de la pharmacie et des produits du terroir. Le poids du luxe à l’export peut être estimé à plus de 40 milliards d’euros, soit… les deux tiers des exportations aéronautiques en 2015 ! Le luxe représente l’archétype même de la compétitivité par le haut, celle qui, misant sur la qualité, la créativité permanente et l’excellence, parvient à échapper à la concurrence par les prix. Le luxe, c’est un peu le royaume du « pricing power » : selon une étude récente du CEPII, les exportateurs français de produits de maroquinerie peuvent pratiquer des prix 7 fois supérieurs à ceux de pays dotés d’une qualité moyenne dans le même secteur, sans perdre de parts de marché !

Plus fondamentalement, le succès du luxe français à l’export vient redonner un peu de fierté à notre pays qui en a tant besoin. Le luxe, c’est la mondialisation à l’envers, c’est la revanche de la France sur la Chine : nos ouvriers qualifiés, nos artisans, nos designers, nos créateurs exportent leur savoir-faire et leur excellence aux quatre coins de la planète. Chaque Français qui voyage à l’étranger peut voir à quel point les marques et produits de luxe de notre pays – champagne, vins, sacs à main, parfums, etc. — sont plébiscitées. Ce luxe à la française, comme le luxe italien ou suisse, ne vient pas de nulle part : il est le produit d’une longue histoire et prend appui sur un segment de « luxe d’exception », qui vient irriguer l’ensemble du « luxe accessible ». D’ailleurs, les nouveaux et nombreux entrants sur le marché du luxe accessible peinent à remonter la filière et à s’imposer dans le luxe d’exception : l’histoire ne se rattrape pas et ne s’invente pas, même à coups de campagnes marketing.

Mais n’oublions pas que l’industrie du luxe, comme toute industrie, est mortelle si on ne prépare pas l’avenir. Menons une politique de pérennisation de nos savoirs faire et métiers d’art, situés en amont de la chaîne de valeur, faute de quoi certaines compétences rares pourraient disparaître demain. Incitons les jeunes à s’orienter vers les formations créatives et valorisons toutes les formes d’excellence. Ne nous endormons pas sur nos lauriers et explorons de nouveaux relais de croissance, en allant au-delà des territoires connus que sont la maroquinerie, le champagne, le parfum ou le prêt à porter : automobile, aviation, services à la personne, etc. Toute activité peut avoir son segment de luxe… dès lors que l’imagination créative et l’excellence des savoir-faire s’en mêlent.

Conforter notre leadership dans le luxe : voilà une ambition industrielle de long terme autrement plus porteuse pour notre pays que celle consistant à… acheter des rames de TGV.

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