« Emmanuel Macron ou le délit de vérité » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 1 Septembre 2015 sur le discours économique du Ministre de l’Economie.

 

Emmanuel Macron ou le délit de vérité

« Dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr. » Cette pensée de Pascal pourrait s’appliquer à notre ministre de l’Economie, qui a osé dire à ses camarades socialistes quelques vérités d’évidence, en pointant du doigt la responsabilité collective de nos gouvernants – de gauche comme de droite – dans le déclin économique de notre pays. Pourtant, aux yeux d’un économiste, le discours du ministre n’a rien de révolutionnaire : il met des mots justes sur ce que les chiffres nous montrent tous les jours. Morceaux choisis.

« Quand on a une difficulté, on y répond par de la dépense publique. » Depuis 40 ans, nos décideurs politiques ont abusé de la dépense budgétaire, qui atteint 57 % du PIB. Non comme une médecine d’accompagnement des réformes structurelles mais comme un substitut à toute thérapie. L’endettement a été notre morphine, les effets secondaires indésirables ayant été reportés sur les générations futures. Il faut être aveugle ou de mauvaise foi pour considérer que cette politique a été efficace : avec une dépense publique supérieure à la moyenne de l’OCDE, nous avons fait pourtant moins bien que nos partenaires en termes de croissance, de recul de la pauvreté ou de chômage depuis les années quatre-vingt.

« Le gouvernement seul ne redressera pas le pays, il a besoin de vous. » [les entreprises] Si l’on en doute encore, il suffit de lire une statistique de l’Insee : les entreprises représentent en France près de 65 % de la valeur ajoutée et constituent donc la première source de création de richesse, sans laquelle l’Etat ne peut pas grand-chose. Le rôle de l’Etat n’est donc pas de les brider à outrance, ou pire, de décider à leur place mais d’encadrer leur activité par des règles du jeu claires et simples, de les inciter à investir et embaucher, de les rendre plus compétitives, pour qu’elles partent à la conquête du vaste monde, ou de les sanctionner lorsqu’elles franchissent les lignes rouges. Bref, l’Etat moderne doit moins être un acteur de l’économie qu’un régulateur et un incitateur.

« Nous devons sortir d’une névrose française qui, trop longtemps, a opposé l’efficacité économique avec la justice. » Enfermés dans une conception malthusienne, nous avons considéré que la seule manière de créer de l’emploi était de partager la rareté, en divisant le travail. Alors que notre ambition devrait être au contraire d’accroître la taille du gâteau, c’est-à-dire de travailler collectivement plus, en redonnant des opportunités à ceux qui n’en ont pas. Nous avons aussi trop longtemps assimilé justice sociale et gestion des inégalités en aval, sans vraiment nous attaquer en amont aux causes profondes. La première des inégalités en France, c’est l’accès à l’emploi des jeunes dont le taux de chômage tutoie les 25 %.

Au fond, l’outrage du ministre de l’Economie est d’avoir dit à ses camarades ce qu’ils savent depuis fort longtemps mais ne veulent s’avouer à eux-mêmes : le monde économique a radicalement changé et nos vieilles recettes interventionnistes et malthusiennes ont vécu. Mais dire le réel, c’est faire voler en éclats totems et tabous ; c’est obliger à clarifier la ligne doctrinale, à se réinventer de fond en comble. Aux yeux de ses détracteurs, Emmanuel Macron est surtout coupable de les avoir sortis de leur déni de réalité, en commettant… un délit de vérité.

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