« Economie et politique de la concurrence » (critique du livre ; Concurrences)

La revue Concurrences a présenté en Avril 2020 un commentaire du livre d’Emmanuel Combe « Economie et politique de la concurrence » (Dalloz 2020), sous la plume du Professeur Georges Decocq (Université de Paris Dauphine).

« Voici un ouvrage qui se présente comme la simple réédition d’un précis alors qu’il s’agit d’un ouvrage dont les apports sont nettement plus importants. Louons les très grandes qualités de ce livre. L’ouvrage a une visée pédagogique et il remplit aisément cet office. La clarté de ses développements lui permettra de rayonner au-delà des étudiants, des élèves et des candidats. Les praticiens du droit de la concurrence pourraient faire leur miel de ce livre.

À l’heure où les pédants et les cuistres masquent la vacuité de leurs discours par un jargon hermétique, il est plaisant de lire des travaux qui expliquent simplement une matière dense et complexe. Pour renforcer ou compléter ses explications, l’auteur nourrit son discours de nombreux tableaux, figures et annexes utiles, performants et faciles à consulter (l’ouvrage contient une table des documents,).

Pour autant, à y regarder de plus près, l’ouvrage n’est pas dénué d’apport scientifique. L’auteur présente, sur de nombreux sujets, les thèses des différentes écoles économiques qui s’opposent, puis apporte des éléments de réflexions qui permettent à son lecteur de se forger une opinion. La formalisation mathématique redoutée par les juristes est bien évidemment présente, mais avec sobriété. La mesure et le pragmatisme des positions de l’auteur, n’interdisent pas à ce dernier de les démontrer avec rigueur et conviction. De nombreuses références bibliographiques jalonnent ses démonstrations (l’ouvrage comprend une bibliographie et un index des auteurs) qui permettent aux lecteurs de compléter leurs connaissances économiques.

Décrire, expliquer et démontrer en restant limpide et accessible est la facture des œuvres qui marquent. Monsieur Emmanuel COMBE met en œuvre une méthode empirique et originale. Il confronte les théories et les principaux modèles économiques à la réalité de la vie des entreprises telle qu’elle est révélée par la jurisprudence. L’auteur évite ainsi deux écueils : s’enfermer dans le monde des idées en se déconnectant du réel et égrener des cas sans en tirer des enseignements.

Cette méthode lui permet d’illustrer les vérités économiques et de modifier celles-ci en les éprouvant aux réalités économiques. Ce va-et-vient entre l’abstrait et le concret est sans doute le fruit des multiples expériences de l’auteur. L’universitaire corrige ses dogmes en les confrontant au réel. L’homme engagé dans la vie de la cité cherche la vérité qui transcende les cas particuliers qui lui sont soumis. Le juriste confronté aux questions de réalisation du droit, aux qualifications ou au syllogisme judiciaire est habitué à cette démarche conciliant en un même discours la déduction et l’induction. Il en découvrira avec bonheur une nouvelle manifestation.

Le risque du biais méthodologique de cette façon de présenter l’économie repose principalement dans le choix des exemples retenus. L’auteur ne pouvait être exhaustif dans le cadre d’un manuel ; il devait donner des illustrations de situations variées. Son choix des exemples est le fruit de transactions entre des décisions anciennes et des décisions récentes ; entre des jurisprudences tranchant des questions classiques et celles réglant des questions nouvelles, entre les cas qui confortent les théories et ceux qui conduisent à la compléter, les relativiser où les corriger.

Cette conciliation des illustrations et leur conjugaison avec les modèles est donc le fruit d’une forme de sagesse, qui est le sceau des œuvres qui comptent.

Sur le fond, ce précis expose pour l’essentiel les principes fondamentaux de l’analyse économique de la concurrence ainsi que les objectifs et les instruments de la politique de la concurrence. L’ouvrage se concentre sur les pratiques anticoncurrentielles et les opérations de concentration et n’aborde pas le contrôle des aides d’État. Les questions abordées sont nombreuses : le pouvoir de marché, la lutte contre les cartels, les restrictions verticales, l’abus de position dominante, le contrôle des concentrations, la politique de la concurrence et ses défis.

Un juriste trouvera les éléments économiques qui lui permettront d’avoir une meilleure compréhension du droit de la concurrence tels que le duopole de Cournot et sa généralisation, le modèle SCP et sa critique, les cartels et la théorie des jeux, les réseaux de distribution et l’économie des coûts de transaction, le test AEC et les abus de position dominante, l’indice IHH et les opérations de concentration ou la prise en compte des gains d’efficacité.

La politique de la concurrence est présentée soit dans des chapitres qui lui sont dédiés (ex : évolutions et instruments de la politique de la concurrence, les défis de la politique de la concurrence) soit en introduisant celle-ci au sein des questions économiques (ex : la détection et les sanctions des cartels, les restrictions verticales et politiques de la concurrence, la politique antitrust en matière d’accord de R et D, les choix des institutions sur les questions d’abus de position dominante, les procédures de contrôle des concentrations).

Mais l’auteur ne se livre pas à une juxtaposition artificielle des savoirs. Économie et politique sont étroitement associées pour nourrir la réflexion sur ce qu’est et ce que devrait être la régulation des marchés. Dans la préface de l’ouvrage, Monsieur le Premier Président Guy Canivet estime que « le fil rouge » du livre est de créer un « lien logique entre économie, politique et droit ».

Monsieur Emmanuel COMBE est un alchimiste des connaissances qu’il transmute dans des analyses dynamiques. L’histoire et les traditions, les particularismes géographiques et les différences culturelles, les soubassements idéologiques et les mythes fondateurs des sociétés, le rôle et le fonctionnement des institutions, les stratégies et les comportements des entreprises, enrichissent le propos et agencent les savoirs économiques et politiques de la concurrence. Ce syncrétisme crée un pont entre les époques et les disciplines fructueux et efficient (par exemple, lire pour comprendre les discours nés de la crise sanitaire du covid-19 le passage sur la mise en sommeil des lois antitrust aux États-Unis par Roosevelt et leurs effets négatifs sur l’économie, p. 68, n° 37).

Fournir les clés qui permettent de comprendre le présent et d’affronter l’avenir caractérise les œuvres magistrales. Nous ne pouvons qu’inviter les lecteurs de cette revue à lire ce livre ».

 

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