Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 13 Décembre 2017, sur le classement Pisa et le système scolaire français.
Disruption scolaire
Inlassablement, l’OCDE délivre tous les trois ans son verdict sur les performances éducatives des pays, au travers de sa célèbre enquête Pisa. Un rituel qui a longtemps suscité une certaine défiance de nos décideurs politiques avant qu’il ne se rendent à l’évidence : depuis 2000, Pisa nous brosse le portrait immuable d’un système éducatif français, qui, s’il ne mérite pas le bonnet d’âne, est à la fois moyen et très polarisé.
Moyen : notre pays occupe la 27e place sur 72 pays, avec un score de 495 points. Si nous faisons jeu égal avec les Etats-Unis ou la Suède, nous restons très loin de pays comme Singapour (556), le Japon (538) ou Hong Kong (523). On nous objectera que la France n’est pas un pays asiatique et que comparaison n’est pas raison. Certes, mais si nous prenons comme référence la seule Union européenne, le tableau n’est guère plus réjouissant : nous occupons la 13e place sur 28 pays, alors que notre voisin allemand se classe aujourd’hui à la 4e place, après avoir sombré au début des années 2000, preuve s’il en est que les réformes éducatives audacieuses peuvent porter leurs fruits. En France, notre score n’a pas bougé depuis 2006, comme si toutes les initiatives prises depuis dix ans étaient restées sans effets.
Milieu social. Polarisé : la France reste le pays du grand écart. Nous affichons certes un taux élevé d’élèves performants (21 % contre 19 % pour l’OCDE), mais avons aussi l’une des plus fortes proportions d’élèves en difficulté (22 %). Bref, notre pays est à la fois la patrie des têtes bien faites et celle des décrocheurs scolaires. Ce grand écart s’explique d’abord par le « contexte socio-économique », pour reprendre les termes policés de l’OCDE.
En clair, la relation entre réussite à l’école et milieu socio-économique est très forte en France : elle explique plus de 20 % de la performance des élèves, contre seulement 13 % pour la moyenne des pays de l’OCDE. Près de 40 % des élèves issus d’un milieu social défavorisé sont en difficulté. Dans la même veine, les élèves issus de l’immigration – première ou seconde génération – accusent en France l’un des pires scores de l’OCDE. Bref, l’école du mérite républicain a depuis longtemps cédé la place à celle de la reproduction sociale.
Face à ce triste constat, que faire ? D’abord, afficher clairement notre priorité : la lutte contre l’échec scolaire doit être le cœur de toute réforme éducative, même si nous ne devons pas renoncer à l’ambition élitiste. Une fois la priorité établie, la riposte doit être disruptive. Depuis trente ans, nous avons combattu l’échec scolaire avec l’arme du carnet de chèques – plus d’un milliard d’euros sont engloutis chaque année dans l’éducation prioritaire — sans vraiment remettre en cause le carcan uniforme et contraint de l’Education nationale. Il est temps de libérer les initiatives, pour permettre à de nouveaux modèles d’école d’émerger. Ces modèles existent déjà dans notre pays – songeons par exemple à Montessori — mais ils sont confidentiels, accessibles aux parents informés, qui peuvent oser et… payer ! L’enjeu aujourd’hui est de permettre l’éclosion de free schools partout, en ciblant prioritairement les élèves en difficulté et avec le soutien financier massif de l’Etat. Un Etat facilitateur et coordinateur, qui continuera de fixer les programmes et objectifs au niveau national, tout en favorisant la diversité des établissements et méthodes d’enseignement.