Trump et le protectionnisme sur l’acier : une mauvaise nouvelle pour l’emploi américain (Le Monde)

Ce raisonnement a l’apparence du bon sens. Mais il faut toujours se méfier en économie du bon sens, qui joue souvent des tours. Rappelons l’arithmétique du protectionnisme. Ce dernier a trois effets sur le pays qui se protège.
Premier effet, positif : il permet à l’Etat de récupérer des taxes douanières. Second effet, lui aussi positif : les entreprises domestiques vendent plus sur le marché domestique, puisqu’elles sont protégées en partie de la concurrence étrangère. Troisième effet, négatif : les utilisateurs du produit taxé le paieront plus cher. Ces utilisateurs, dans le cas de l’acier et de l’aluminium, ce sont d’autres entreprises américaines, comme les fabricants de produits métalliques, dont les coûts de production vont augmenter.
Pour savoir si le protectionnisme est un bon calcul, il suffit alors d’additionner les gains pour l’Etat et les producteurs domestiques avec les pertes pour les usagers du produit taxé. Le résultat est sans appel : les pertes l’emportent toujours sur les gains. Tout simplement parce que la hausse du prix conduit à une réduction des quantités consommées dans le pays.
Dit en d’autres termes, le protectionnisme ne transfère pas seulement de la richesse des consommateurs vers les producteurs et l’Etat : il diminue aussi la richesse globale du pays qui se protège.
Mais on nous objectera que c’est la facture à payer pour sauver des emplois. A nouveau, le raisonnement est incomplet. Le bon raisonnement est de rapporter le nombre d’emplois sauvés au coût net du protectionnisme pour le pays.Les études sur les Etats-Unis trouvent un coût par emploi sauvé de l’ordre de 230 000 dollars par an, avec parfois des pics à 900 000 dollars, comme dans le cas de la taxe d’Obama sur les importations de pneumatiques chinois ! Un coût exorbitant. Il y a à l’évidence d’autres moyens, moins coûteux que le protectionnisme, de sauver l’emploi dans un pays.
Mais allons plus loin. Les emplois sauvés dans la sidérurgie ne doivent pas faireoublier ce qui risque de se passer demain, en aval, chez les utilisateurs du produit taxé, qui paient désormais plus cher. Leur compétitivité va se dégraderet ils vont devoir… licencier. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce qui s’est passé aux Etats-Unis dans la sidérurgie… il y a dix-huit ans, lorsque George Bush a taxé les importations d’acier. Grâce à cette mesure, il a sauvé 3 500 emplois chez les producteurs d’acier. Mais, selon une étude économique de référence, il a détruit dans les entreprises utilisatrices d’acier… entre 12 000 et 43 000 emplois. Un bien mauvais calcul.
« Vous allez voir beaucoup de belles choses se produire, vous allez voir les entreprises se développer », a promis Donald Trump, en annonçant les mesures protectionnistes. On a malheureusement déjà vu.

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