Alors que la bataille entre taxis et UberPop fait rage, il n’est pas inutile de se pencher sur le bien-fondé des réglementations sectorielles. Ce qui frappe dans le cas des taxis, c’est le caractère pléthorique des règles.
En matière de prix, on peut comprendre que les pouvoirs publics encadrent le marché de la «maraude», le client n’étant pas en mesure de comparer les offres lorsqu’il hèle un taxi. Cette régulation prend la forme d’un tarif plafond et sera sans doute étendue demain à des forfaits sur certains trajets comme Paris/Roissy et Orly. Elle ne résout toutefois pas la question de la fixation des prix : sur la base de quelles informations le régulateur détermine-t-il les tarifs et leur évolution? A contrario, sur le marché de la réservation préalable, où le client peut comparer les offres, il n’y a aucune raison d’empêcher la pleine liberté des prix de jouer, et notamment la pratique des prix variables en fonction de la demande ou des courses au forfait.
Concernant la qualité de la prestation, il est logique que les pouvoirs publics imposent un standard minimum, pour rassurer les clients, notamment sur la sécurité du véhicule. Dans le cas des taxis, la détention d’un «certificat de capacité professionnelle » est requise. Pour autant, on peut s’interroger sur le périmètre d’une telle réglementation : si elle doit porter à l’évidence sur la bonne connaissance de la zone desservie, elle pourrait aussi inclure d’autres prérequis, tels que la maîtrise de l’anglais. Les taxis représentent pour les étrangers le premier contact avec notre pays : ils participent à la compétitivité et la réputation de notre offre touristique.
Rationnement. Concernant la régulation des quantités, disons-le tout net : il n’y a aucune raison de limiter l’entrée par une licence. Personne n’est en mesure de déterminer quel devrait être le «bon nombre» de taxis, et ce d’autant que ce chiffre varie au cours de l’année, notamment en fonction des flux touristiques. Le numerus clausus est le fruit d’une décision politique et conjoncturelle, prise… durant les années 1930, pour garantir un minimum de revenu aux chauffeurs. Dès 1959, le rapport Rueff soulignait que «la limitation réglementaire du nombre des taxis nuit à la satisfaction de la demande et entraîne la création de situations acquises dont le transfert payant des autorisations de circulation est la manifestation la plus critiquable». Faute d’avoir eu le courage de régler cette anomalie, l’ Etat se retrouve aujourd’hui dans une situation qu’il a lui-même créé : le rationnement de l’offre a engendré une flambée du prix de la licence, qui avoisine aujourd’hui 190000 euros en région parisienne. Pour sortir de l’impasse, une solution possible serait d’augmenter fortement mais progressivement le nombre d’autorisations de stationnement, en accordant une licence gratuite et cessible sous certaines conditions à tout chauffeur détenant déjà le précieux sésame. La baisse du prix des licences qui s’ensuivrait serait ainsi partiellement compensée par l’attribution de cette seconde licence.
En voulant poursuivre plusieurs objectifs à la fois, la réglementation des taxis n’en a donc atteint aucun parfaitement : quantité insuffisante, qualité perfectible, tarification discutable, sans compter la création d’une rente de rareté dont il est difficile de s’extraire. Preuve s’il en est qu’il ne suffit pas de réglementer à outrance pour bien réglementer : en économie, quelques règles simples, appliquées avec constance valent toujours mieux que trop de règles.