Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 30 Août 2016 sur le Made in France.
Remettons le « made in France » à l’endroit
Longtemps délaissé par nos politiques, le « made in France » a trouvé depuis quelques années son mentor en la personne d’Arnaud Montebourg : ministre de l’Economie, il en avait fait l’un de ses chevaux de bataille ; candidat aujourd’hui à la présidentielle, il remet le couvert en faisant du « made in France » l’un des axes clés de son programme. Disons-le tout net : il est réjouissant de voir un prétendant à la fonction suprême s’emparer d’un sujet aussi essentiel pour l’avenir de notre pays. On reste toutefois sceptique sur la manière dont il le mobilise.
Tout d’abord, le « made in » ne doit pas être présenté comme une rupture avec la « mondialisation néolibérale » puisqu’il en est en réalité l’aboutissement logique. Plus il y a de participants au banquet du commerce mondial – l’OMC compte 164 membres — plus l’identité économique d’un pays prend de la valeur : l’identité naît de la pluralité et de la confrontation avec les autres. Elle permet à chaque pays de se différencier, de se singulariser et d’échapper ainsi à l’anonymat du produit banalisé.
Ensuite, on ne fait pas du « made in » avec tout et partout. Pour être identifiable par les étrangers, le « made in » doit être ciblé sur quelques secteurs bien précis. Prenons l’exemple de l’industrie automobile ; s’il y a certes plus de 20 pays producteurs dans le monde – de la Chine à l’Iran en passant par le Brésil — il n’y a aujourd’hui qu’un seul pays qui incarne, dans l’inconscient collectif, le haut de gamme : l’Allemagne. On pourrait dire la même chose de bien d’autres secteurs : la chaussure de marque et l’Italie ; les montres de luxe et la Suisse, etc. Plus le monde sera demain globalisé, plus les pays devront, pour exister, se spécialiser sur quelques activités disposant d’un ADN local fort. La France a des atouts exceptionnels en la matière : luxe, produits du terroir, transports, tourisme, génie civil, etc.
En troisième lieu, une politique du « made in » n’a de sens que si elle est ancrée dans une démarche collective de qualité totale : fabriquer sur le « sol français » garantit sans doute un coût du travail et donc un prix de vente plus élevés mais en aucun cas une qualité supérieure ! Un logo « made in France » sur un mauvais produit ne le rendra pas meilleur pour autant. Une vraie stratégie de « made in » suppose donc au préalable d’investir massivement dans la formation, le design, la qualification, la R&D, la valorisation de l’excellence sous toutes ses formes. La qualité ne se décrète pas à coup de logos : elle se construit progressivement, par une action de longue haleine, qui commence à l’école, et ce dès le primaire.
Enfin, l’enjeu premier du « made in France » doit être de partir à l’assaut du monde et de ses milliards de clients potentiels, plutôt que de chercher à reconquérir le cœur de 66 millions de consommateurs français. A cet égard, l’idée d’Arnaud Montebourg de réserver 80 % des marchés publics aux PME qui produisent sur « le sol national » procède d’une démarche défensive : ce n’est pas en garantissant un précarré domestique aux PME que nous les inciterons à déployer leurs ailes à l’étranger et à devenir les nouveaux géants de demain.
Bref, l’ambition du « made in France » n’est pas d’importer moins, mais d’exporter plus de produits à forte valeur ajoutée : le vrai patriotisme économique est conquérant et non défensif. Remettons-le « made in France » à l’endroit !