« Pouvoir d’achat : restons ouverts ! » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié une chronique sur le pouvoir d’achat dans Les Echos le 22 Avril 2022.

 

Pouvoir d’achat : restons ouverts !

A l’heure où les Français s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat, tous les regards sont tournés vers l’inflation et ses causes conjoncturelles. Mais il ne faut pas oublier que le pouvoir d’achat dépend sur le long terme de facteurs structurels tels que la croissance économique et l’ouverture au commerce international. A l’heure où les discours protectionnistes reviennent à la mode, ce dernier point mérite une attention toute particulière.

Lorsqu’un pays fait le choix de se protéger, il va connaitre des hausses de prix qui transitent par trois canaux.

Tout d’abord, le prix des produits importés va augmenter sur le marché domestique, dans une proportion qui dépend du comportement de l’exportateur étranger. Dans le cas des Etats-Unis, les droits de douane de 16% mis en place par Donald Trump à l’encontre de 506 milliards de dollars d’importations chinoises infligeent chaque année aux Américains une perte directe de pouvoir d’achat de 80 milliards de dollars, soit 620 dollars par ménage. Ensuite, les producteurs domestiques qui sont en concurrence avec les produits importés sont désormais protégés et vont en profiter pour augmenter leurs prix. Enfin, lorsque le protectionnisme porte sur des biens intermédiaires comme l’acier, les producteurs domestiques qui utilisent ces inputs voient leur coût de production augmenter, ce qui peut les conduire à accroître leurs prix. Bref, le protectionnisme se paie toujours peu ou prou en pouvoir d’achat.

A contrario, l’ouverture au commerce avec les pays émergents est un puissant levier de pouvoir d’achat. Selon une étude de Carluccio & alii, les importations en provenance des pays à bas salaires exercerait une pression à la baisse sur l’inflation en France de l’ordre de 0,17 point par an, ce qui représenterait un gain d’environ 1 000 euros par ménage et par an, soit 30 milliards d’euros au total. On nous objectera que l’ouverture commerciale avec les pays émergents conduit aussi à des destructions d’emplois, ce qui vient diminuer le pouvoir d’achat. Le raisonnement est juste mais incomplet. Tout d’abord, comme l’ouverture marche dans les deux sens, il faut également tenir compte des emplois créés grâce à l’exportation. De plus, les destructions d’emplois doivent être mises en regard des gains de pouvoir d’achat, avant de tirer toute conclusion. Si l’on prend le cas de la France, une étude de Malgouyres estime que l’ouverture avec la Chine a conduit à la destruction de 104 000 emplois. Le gain de pouvoir d’achat du commerce avec les pays à bas salaires étant de 30 milliards d’euros, chaque emploi détruit aurait donc généré un gain de 288 000 euros. C’est un gain considérable, qui pourrait  être en partie redistribué aux « perdants » pour financer leur reconversion.

Dès lors, un levier pour protéger le pouvoir d’achat consiste à diminuer les barrières protectionnistes, lorsqu’elles sont élevées comme c’est le cas aujourd’hui aux Etats-Unis. Selon une étude récente du Peterson Institute, une diminution des droits de douane aux Etats-Unis de 2% contribuerait à faire baisser l‘inflation de manière transitoire de 1,34 point et conduirait à un gain de pouvoir d’achat durable de 797 dollars par ménage et par an.

Dans le cas de l’Europe, où le protectionnisme se situe aujourd’hui à un niveau raisonnable, l’enjeu est plutôt de résister demain aux sirènes populistes du repli. Si le protectionnisme se justifie dans des cas particuliers, il serait hasardeux de miser sur un protectionnisme généralisé à l’encontre des pays émergents. La facture en termes de pouvoir d’achat serait très élevée.

 

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