Emmanuel Combe a publié le 26 Juin 2024 une chronique dans L’Opinion.
Pouvoir d’achat : la tyrannie de l’élection
Le pouvoir d’achat figure en tête des priorités des Français, devant les sujets de délinquance ou d’immigration. Dans un tel contexte, il n’est guère surprenant que les candidats aux législatives rivalisent d’annonces sur le sujet. Ainsi, le Nouveau Front Populaire (NFP) propose, dans l’urgence des 15 premiers jours, le blocage des prix des produits de première nécessité et la hausse du SMIC. De son côté, le Rassemblement National (RN) promet, de baisser le tarif des péages et d’annuler la hausse du prix du gaz prévue cet été. Quant au camp présidentiel, il s’engage à baisser la facture d’électricité de 15%.
Si ces mesures auront des effets immédiats sur le porte-monnaie des Français, ne nous y trompons pas : elles ne sont clairement pas à la hauteur du sujet. En économie, la hausse durable du pouvoir d’achat ne se décrète pas ; elle se construit, patiemment, au travers de politiques qui favorisent la croissance et les gains de productivité.
A cet égard, on aurait aimé que les candidats évoquent le rôle de l’éducation comme levier de pouvoir d’achat. En effet, une main d’œuvre mieux éduquée participe davantage au marché du travail, ce qui conduit à augmenter le taux d’emploi. De plus, l’éducation est source de gains de productivité et donc de meilleure rémunération pour les travailleurs. Sur ce sujet de l’éducation, la France a de fortes marges de progression : notre pays figure en 26ème position du classement PISA et compte 1,4 millions d’illettrés.
On aurait aussi aimé que les candidats expliquent comment une politique favorable à l’innovation permet de créer du pouvoir d’achat. En effet, un pays qui innove et diffuse ses innovations connait une croissance de ses gains de productivité, ce qui se traduit par des hausses de salaire ou des baisses de prix. Le sujet de l’innovation n’est pas abordé dans la campagne, au point même de ne pas être mentionné une seule fois dans les 24 pages du programme du NFP.
On aurait enfin aimé que les candidats rivalisent d’idées en matière de réformes concurrentielles, dans le but de stimuler le pouvoir d’achat. La concurrence a en effet la vertu d’éliminer les rentes injustifiées, qui grèvent le porte-monnaie des Français. Force est de constater que la concurrence est tout simplement absente des programmes ou réduite à sa dimension négative de « concurrence déloyale » ; à l’inverse, les vertus supposées des monopoles publics sont louées tant par le RN que le NFP.
Plus inquiétant encore, les candidats du NFP et du RN font le choix de remettre en cause un puissant levier de pouvoir d’achat : l’ouverture de la France au commerce international. Ils proposent ni plus ni moins que de sortir des «traités de libre-échange ». S’ils venaient à être appliqués sur ce point, ces deux programmes se traduiraient par un choc négatif de grande ampleur sur le porte-monnaie des Français, en contradiction avec l’objectif affiché d’augmenter le pouvoir d’achat.
Au final, les programmes des candidats – et tout particulièrement ceux du NFP et du RN- échouent à traiter sérieusement du sujet du pouvoir d’achat, qui relève de politiques structurelles et de long terme. Ils cèdent à la tyrannie du court terme, c’est-à-dire au seul temps de l’élection.