Le low cost ou l’économie de la juste valeur

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Le « low cost » crée-t-il une « économie du soupçon », comme l’a défendu récemment un éditorial dans ces colonnes ? En baissant fortement les prix, ce modèle ferait naître, par effet de contamination et de comparaison, le « doute sur la légitimité de chaque prix », ouvrant ainsi la voie à une « société du soupçon ». Ainsi tirerait-il toute l’économie vers le bas et sonnerait à terme le glas de la création de richesse par l’innovation.

Il est vrai que la force du « low cost » tient à sa capacité à simplifier à l’extrême produits et services. Plus de superflu, tout sur la fonction essentielle : telle est la devise des « low costers ».

Pour autant, le « low cost » détruit-il de la valeur là où il prospère, sachant que lui aussi est soumis à une contrainte minimale de qualité, avec laquelle aucun consommateur n’est prêt à transiger, fusse pour un prix dérisoire. Dans le transport aérien, aucun client n’est prêt à sacrifier la sécurité – et dans une moindre mesure la ponctualité – sur l’autel du prix bas. Voilà d’ailleurs pourquoi les « low cost » figurent aujourd’hui parmi les compagnies aériennes les plus sûres et les plus ponctuelles.

En fait, le modèle « low cost » vise moins à réduire le périmètre de la valeur qu’à faire des attributs du service rendu des options : aussi n’offre-t-il pas moins de services, mais seulement différemment. Et tout ce qui sera ajouté au service de base sera explicitement payé par le consommateur. En ce sens, il est l’anti-modèle de la gratuité : tout a un prix donc tout se paye. Son avantage ? Il permet au consommateur de choisir lui-même, dans une librté retrouvée, le niveau de qualité et d’options qu’il souhaite. Et ne se voit plus imposer une sur-qualité ou une variété qui le perdent plus qu’elles ne le servent.

En fait, le « low cost » constitue un puissant levier de création de valeur : comme le soulignait l’article précité, les fortes baisses de prix qu’il engendre élargissent la taille du marché vers de nouveaux consommateurs. C’est particulièrement vrai dans l’aérien où le « low cost » a fait venir de nouveaux clients à l’avion. Au-delà, le « low cost » détruit-il de la valeur dans l’ensemble de la sphère économique, par un effet de contagion et de désacralisation ? Pas sûr. D’abord, il libère du pouvoir d’achat, susceptible d’être affecté à d’autres dépenses, comme le montre le comportement de plus en plus répandu de consommateurs qui combinent volontiers services low-cost et produits de luxe.

Plus fondamentalement, si le « low cost » détruit de la valeur, c’est surtout au sein des leaders historiques, qui ont trop longtemps vendu des promesses qu’ils n’ont pas su tenir. Comment justifier un prix plus élevé en magasin comme en agence bancaire, lorsque le niveau de conseil du vendeur n’est pas meilleur que celui trouvé sur Internet ou dans la banque en ligne ?

Avec le « low cost », les clients tiennent leur revanche sur les fabricants et autres prestataires de services : chaque producteur est désormais mis en demeure de justifier son prix. Et ceux qui parviennent à justifier la valeur de leurs produits et de leurs services voient leur crédibilité augmenter. Parce qu’ils ont lancé de véritables innovations. Parce que la qualité de service est vraiment au rendez-vous. Parce que leurs produits portent en eux une part de rêve et de prestige.

En ce sens, le « low cost » opère comme un vecteur de polarisation de la valeur : d’un côté, le domaine des « commodities » ; de l’autre, les produits innovants, le service sur mesure, l’univers du luxe. Quel « low cost » pourrait aujourd’hui sérieusement menacer l’Ipod ou l’Iphone d’Apple, en commercialisant des baladeurs bon marché ? Quel « low cost » pourrait aujourd’hui venir contester les marques de luxe, en lançant par exemple une ligne de parfum « low cost » ? Quel « low cost » peut prétendre détrôner aujourd’hui une icône de l’automobile comme Porsche ? En réalité, le « low cost » participe au perpétuel processus de « destruction créatrice », en faisant du consommateur celui qui définit ce qu’est la juste valeur d’un bien.

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