Que vous inspire le lancement par la SNCF de Ouigo, son TGV low cost ?
La SNCF fait son entrée sur le segment low cost avec une offre qui reprend un des fondamentaux du modèle, à savoir un produit simplifié à l’extrême, qui se concentre sur l’essentiel (voyager rapidement et en toute sécurité entre deux points), ce qui permet en retour d’offrir des prix bas. En revanche, le second aspect du modèle low cost me semble moins présent, à savoir les options payantes, qui constituent pourtant une source essentielle de profit pour les compagnies low cost. Ce choix permet sans doute d’éviter une cannibalisation de la clientèle avec l’offre iDTGV, qui opère de son côté une montée en gamme. Le low cost vise ici à élargir la taille du marché, en ciblant des clients qui ne voyageaient pas ou peu en train.
Vous aurez d’ailleurs noté que l’offre Ouigo est au départ de Marne-la-Vallée (et non de Paris intra-muros), à destination de Marseille et Montpellier, des lignes plutôt loisirs par rapport à Lille, plus orientée business. Cette stratégie duale s’inscrit dans une tendance de fond des comportements de consommation : la polarisation des choix avec, d’un côté, les produits d’entrée de gamme, centrés sur les besoins essentiels, et, de l’autre, les produits plus haut de gamme.
Le low cost va-t-il continuer à progresser dans l’économie ?
A part l’aérien (20 % de part de marché en France), la distribution alimentaire (14 %) et sans doute la téléphonie mobile et la banque de détail demain, je ne crois pas que le low cost deviendra un modèle dominant. Le low cost a vocation à rester un marché de niche, car il ne répond pas à l’ensemble des besoins. Pour autant, il exerce une forte pression sur les opérateurs historiques, en imposant une redéfinition de l’offre et un nouveau référentiel de prix. Son influence sur le marché dépasse donc largement sa part de marché.
Il y a des secteurs où il n’y aura jamais de low cost, comme le luxe ou le high-tech. L’équation du modèle ne fonctionne en effet que sur les marchés de commodités, où le consommateur ne regarde plus que la fonctionnalité. Le low cost est peu probable dans l’immobilier, qui reste un bien fortement identitaire. En revanche, la banque de détail peut connaître une révolution low cost, sur la base d’un modèle 100 % en ligne, avec une nouvelle relation client, fondée sur le choix d’options payantes à forte valeur ajoutée.
On a coutume de dire que le low cost est bon pour le consommateur, mais pas pour le salarié. Qu’en pensez-vous ?
Le low cost, comme toute révolution économique ou technique, détruit des emplois ici et en crée ailleurs, au travers des gains de productivité qu’il génère. Ces nouveaux emplois ne sont pas forcément dans le même secteur. L’arrivée du low cost dans l’aérien, par exemple, a contribué à dynamiser le tourisme en France et l’emploi dans l’hôtellerie-restauration.
Les niveaux de salaire ne sont pas sensiblement inférieurs à ceux pratiqués ailleurs, à qualification identique; par contre, la part variable de la rémunération peut y être plus importante. En revanche, le low cost peut induire une forte intensification du travail, qui pèse sur les conditions de travail des salariés concernés. L’enjeu du low cost sur l’emploi est donc moins quantitatif que qualitatif.