« Les cartels contre le pouvoir d’achat » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié le 12 Mai 2022 une chronique dans Les Echos sur les cartels.

 

Les cartels contre le pouvoir d’achat

 

A l’heure où le pouvoir d’achat constitue un sujet de préoccupation majeure dans tous les pays, les décideurs politiques se doivent d’apporter des réponses crédibles pour alléger le fardeau qui pèse sur les ménages. Parmi les leviers à leur disposition figure la lutte contre les cartels.

Les pratiques de cartel consistent, pour des concurrents, à s’entendre pour supprimer la concurrence qui s’exerce entre eux, dans le seul but de faire monter les prix. Un cartel est en quelque sorte un monopole artificiel … à plusieurs. Ces pratiques conduisent à des hausses de prix conséquentes comprises entre 12% et 25% selon les types de cartels. De plus, les entreprises qui ne font pas partie du cartel peuvent être tentées de s’aligner, par un effet d’ombrelle. Ajoutons à cela que les cartels ne sont pas éphémères : ils durent en moyenne entre 4 et 6 ans, et certains d’entre eux ont même prospéré pendant plus de 30 ans. Pour finir, ces pratiques coûtent chères en pouvoir d’achat et en croissance : une étude récente de Moreau et Panon sur le cas français conclut que le démantèlement des cartels dans notre pays entrainerait une hausse du bien-être de 3,5% et de 2% de la productivité.

Les cartels sont des pratiques injustifiables : les hausses de prix sont artificielles puisqu’elles ne constituent pas la contrepartie d’une meilleure qualité des produits ou de produits plus innovants. Les clients qui continuent à acheter paient plus cher, pour le même produit. Plus encore, certains clients cessent d’acheter le produit, devenu trop onéreux. En pratique, les premières victimes sont souvent des entreprises, dans la mesure où les cartels affectent en majorité des produits intermédiaires, des services aux entreprises ou des matières premières. Mais ne nous y trompons pas : si les entreprises clientes des cartels paient plus cher leurs intrants, elles reporteront tôt ou tard le surprix sur les consommateurs. De plus, des cartels ont été détectés dans le passé dans les biens de consommation, à l’image du cartel des légumes en conserve ou des lessives.

Face à ces pratiques injustifiables, les pays ont renforcé leur arsenal antitrust depuis 20 ans. Tout d’abord, en augmentant et en élargissant les sanctions. En Europe par exemple, les sanctions pécuniaires infligées par la Commission sont passées de 3,4 milliards d’euros sur la période 2000-2004 à plus de 8,2 milliards entre 2015-2019.  Aux Etats-Unis, l’arme pénale a été mobilisée, pour mieux responsabiliser les managers. Du côté des victimes, elles sont aujourd’hui plus nombreuses à faire valoir leur droit à la réparation du préjudice subi. Ensuite, les autorités antitrust ont augmenté le risque de détection, au travers des programmes de « clémence », qui immunisent de toute sanction le premier membre d’un cartel qui coopère avec elles. En Europe, plus de 90% des cartels détectés par la Commission depuis 2006 l’ont été grâce à cette procédure.

Pour autant, peut-on considérer que les cartels appartiennent au passé ? On peut en douter. Selon une étude empirique de Connor, plus de 1100 cartels internationaux ont été détectés dans le monde au cours de la période 1990-2017. L’auteur explique cette prévalence des cartels par le fait que les sanctions, pourtant en hausse, restent encore aujourd’hui insuffisamment dissuasives : elles représenteraient au mieux 44% du profit illicite.

A l’heure des inquiétudes sur le pouvoir d’achat, il est plus que jamais nécessaire de lutter efficacement contre ces pratiques injustifiables.

 

 

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