« La sobriété : par la bienveillance ou par les prix ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 12 Juillet 2022 sur la sobriété.

La sobriété : par la bienveillance ou par les prix ?

 

A l’heure de la transition climatique, une nouvelle injonction a fait son apparition dans le champ politique : soyons sobres. La « sobriété » peut se définir comme une attitude volontaire du citoyen/consommateur consistant à modifier sa consommation, qualitativement ou quantitativement, dans le but de réduire son empreinte environnementale.  La sobriété repose donc sur l’idée selon laquelle les citoyens vont, de leur propre chef, s’engager sur la voie d’une limitation de leur consommation, au nom de la protection d’un bien commun : l’environnement.

Cette vision des choses se heurte toutefois à une dure réalité, bien connue en économie, celle du «cavalier seul ». En effet, chaque individu a intérêt à ne pas changer son comportement et à consommer comme avant, en se disant que les autres feront l’effort de sobriété à sa place. De plus, chaque individu peut se dire que sa contribution à l’effort total est de toutes les façons négligeable : qu’il fasse deux voyages en avion de plus ou de moins par an ne changera pas fondamentalement la face de la planète. On peut donc légitimement craindre que l’appel à la sobriété, entendue comme une démarche volontaire, reste un vœu pieux. Si l’on en doute, il suffit de se tourner du côté des réservations de billets d’avion : en dépit d’une hausse moyenne du prix du billet de 20%, les avions seront remplis cet été. On est bien loin de la sobriété.

Faut-il pour autant renoncer à toute sensibilisation des consommateurs aux impératifs environnementaux ? Certainement pas. Les pouvoirs publics doivent continuer à encourager les comportements sobres, notamment en diffusant une information objective et claire sur les caractéristiques environnementales des produits. Mais, en dépit de ces efforts de pédagogie, il apparaît hasardeux de s’en remettre à la seule bonne volonté des individus pour changer le monde.

Une autre vision de la sobriété consiste à partir du principe selon lequel les individus changent de comportement dès lors qu’ils reçoivent une incitation à  changer. Pour cela, il faut leur envoyer un signal clair : les biens qui polluent le plus coûteront désormais très chers, comparativement à ceux qui sont respectueux de l’environnement. Ce signal porte un nom bien connu en économie : le prix. Pour modifier le prix d’un produit, les pouvoirs publics disposent d’un levier, également bien connu depuis Pigou : la taxe. Plus les biens les plus polluants seront taxés, plus l’incitation des individus à changer leur comportement et à se reporter sur d’autres produits moins polluants sera forte.  On nous objectera que le signal prix ne change pas toujours les comportements, surtout si les individus sont contraints dans leur usage. Par exemple, une personne qui habite en zone rurale et qui doit prendre sa voiture tous les jours pour aller travailler parce qu’il n’y a pas de transport en commun, n’aura d’autre choix que de payer plus, si l’on taxe l’essence plus fortement. Dans ce cas de figure, la taxation doit s’accompagner d’une subvention sur le bien substitut, à savoir la voiture électrique, pour inciter la personne à changer de motorisation de son véhicule.

Taxe, subvention : il s’agit de deux instruments économiques en miroir, qui conduisent à modifier les prix relatifs et à changer les comportements dans le sens d’une plus grande sobriété, sans s’en remettre à la seule bienveillance des consommateurs.

 

 

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