« Kylian Mbappé : parce qu’il le vaut bien » (L’Opinion)

Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 7 Juin 2024.

Mbappé : parce qu’il le vaut bien !

 

C’est fait ! Kylian Mbappé vient de signer son contrat avec le Real de Madrid. Un contrat dont les chiffres donnent le tournis : le célèbre joueur français touchera une prime de 100 millions d’euros à son arrivée puis un salaire annuel de 35 millions brut, soit près de 3 millions d’euros par mois.

Si Mbappé est si bien payé, c’est qu’il s’agit d’un investissement et non d’une dépense : il devrait rapporter au club madrilène plus qu’il ne coûte. Et comme tout investissement, il comprend une part de risque puisque les recettes attendues dépendront en partie des succès obtenus grâce à Mbappé dans les compétitions. Ce raisonnement en termes de retour sur investissement a été étudié dans le passé, lorsque la star de football Ronaldo a été transférée en 2018 du Real de Madrid à la Juventus de Turin. KPMG s’était livré alors à un petit calcul sur les coûts et les recettes annuelles anticipées.  Le coût annuel certain correspondait à la rémunération de Ronaldo, qui s’élevait à 85 millions d’euros par an. Du côté des recettes, les ventes de billets, dont le prix avait augmenté de 30% suite à son arrivée, devaient générer des revenus additionnels compris entre 10 et 20 millions d’euros par an, selon les différents scénarios de victoires. De même, les droits télévisuels devaient rapporter entre 20 et 55 millions d’euros supplémentaires par an. Le merchandising et le sponsoring quant à eux devaient augmenter de 75 à 100 millions d’euros par an, grâce notamment à la vente de maillots. Bref, même dans le pire des scénarios, l’investissement dans Ronaldo s’avérait rentable puisque les recettes additionnelles minimales couvraient la rémunération de la star. La Bourse de Milan ne s’y était d’ailleurs pas trompée : suite à la rumeur de l’arrivée de Ronaldo, le 3 Juillet 2018, la valeur de l’action Juventus de Turin avait grimpé de 32% en l’espace de quelques jours.

Au-delà de la rémunération élevée de Mbappé, ce qui frappe aussi, c’est l’écart de rémunération avec ses coéquipiers madrilènes : le second joueur le mieux payé du Real de Madrid, Modric, gagnera … 35% de moins, avec un salaire annuel de 22 millions d’euros. Pour expliquer ce phénomène, l’économiste Sherwin Rose a développé la célèbre théorie de « l’effet superstar ». L’idée est que, parmi les individus les plus talentueux dans une activité, celui qui est un peu plus talentueux que ses pairs va attirer l’essentiel de la demande. L’augmentation de ses revenus sera alors plus que proportionnelle à l’augmentation de son talent. Ce phénomène provient tout d’abord du fait que les talents ne sont pas substituables entre eux aux yeux des spectateurs : si les fans de foot sont prêts à payer 100 euros pour voir leur footballeur préféré, on ne peut pas leur proposer, pour le même prix, 2 matchs avec des footballeurs qui ont moins de talent que leur footballeur préféré ! Ce phénomène de concentration des revenus s’explique ensuite par la technologie : le coût d’une star – dans le cas d’un footballeur son salaire- est essentiellement un coût fixe. Il en résulte que la diffusion télévisuelle des matchs dans le monde entier permet d’amortir le coût fixe sur un très large public. Bref, rien de très étonnant à ce que la « superstar» française du football soit payée si cher.

 

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