«Fusions-acquisitions : vous avez dit synergies ? » (Les Echos)

Emmanuel Combe a publié une chronique dans Les Echos le 24 Aout 2021 sur les synergies dans les fusions-acquisitions horizontales.

Fusion-acquisitions : vous avez dit «synergies » ?

Stellantis a annoncé il y a deux semaines des résultats records, portés notamment par les premières synergies nées du rapprochement entre Fiat-Chrysler et PSA. Au-delà du cas de Stellantis, de quoi parle-t-on exactement lorsque l’on évoque des « synergies » entre entreprises concurrentes ?
En premier lieu, les synergies proviennent d’un effet de taille critique. La plus grande taille permet à la nouvelle entité de bénéficier d’un pouvoir de négociation renforcé vis-à-vis des fournisseurs, ce qui permet de faire baisser le coût d’achat des composants. L’effet de taille se traduit également par des économies d’échelle dans la production : dès lors que les coûts fixes sont élevés, une augmentation de la quantité produite permet de mieux les amortir et donc de diminuer le coût unitaire. Les économies d’échelle peuvent également concerner les fonctions transversales : la fusion signe bien souvent la fin des doublons, par exemple dans des activités de marketing, de ressources humaines et même de direction générale. Ces économies d’échelle ne sont toutefois pas infinies et tout l’enjeu, après la fusion, est de trouver la taille qui minimise le coût unitaire de production : c’est la fameuse «taille minimale optimale ».  Elle peut être approximée par la méthode dite du « survivant », consistant à prendre comme référentiel la taille de l’entreprise qui surperforme par rapport aux concurrents de son secteur.
En second lieu, les synergies peuvent avoir pour origine des économies de gamme : le fait de produire différentes variantes d’un même produit permet de diminuer les coûts, dès lors que toutes les variantes du produit mobilisent les mêmes ressources.  On comprend ici tout l’intérêt pour un constructeur automobile de fabriquer une gamme de véhicules avec différents modèles, qui vont prendre appui sur les mêmes dépenses de R&D, le même design ou une plateforme modulaire.
En troisième lieu, une fusion permet de baisser les coûts de manière absolue, indépendamment de l’effet de taille : si les deux entreprises ne sont pas au même niveau technologique, la nouvelle entité va adopter la technologie la plus efficace, ce qui se traduira par des réallocations de production entre les sites.
En quatrième lieu, les synergies peuvent provenir d’économies d’expérience, si les deux entreprises n’ont pas la même ancienneté sur le marché. Dans de nombreux secteurs, le fait de produire depuis longtemps permet d’atteindre une courbe de coût plus basse, grâce aux effets d’apprentissage. Une fusion peut permettre à une entreprise de « rattraper son retard », en bénéficiant de l’expérience de son partenaire.
En dernier lieu, une fusion peut avoir un impact positif sur l’incitation à innover. Tout d’abord, la nouvelle entité est en mesure de s’approprier plus facilement les résultats de sa R&D, puisque les deux entreprises ne sont plus en concurrence. De plus, l’innovation peut nécessiter la mobilisation de ressources financières importantes, qui ne sont pas accessibles à une seule entreprise.
Ces différentes synergies vont avoir logiquement pour effet d’augmenter la marge de l’entreprise. Toutefois, le rôle des synergies dans le succès d’une fusion doit être fortement relativisé. Ainsi, dans une étude empirique célèbre sur un échantillon d’entreprises américaines, Blonigen et Pierce ont montré que les synergies ne constituaient pas la cause des meilleures performances post-fusion. Elles seraient à rechercher ailleurs : dans la hausse du pouvoir de marché. Une fusion horizontale permet en effet de réduire la concurrence, ce qui permet à la nouvelle entité … d’augmenter les prix.

 

 

 

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