Emmanuel Combe a publié le 12 Octobre 2021 une chronique dans L’Opinion sur l’impact concurrentiel d’une fusion-acquisition.
Fusions-acquisitions : les prix vont-ils monter ?
Nous avons vu dans la précédente chronique qu’une fusion entre concurrents pouvait avoir un impact négatif sur les prix et la qualité des produits, au travers de deux mécanismes différents : l’effet unilatéral et l’effet coordonné. Mais ces risques concurrentiels ne vont toutefois se concrétiser que sous certaines conditions.
Première condition : les barrières à l’entrée et à la sortie doivent être élevées. En effet, si l’entrée requiert de forts coûts fixes et irrécupérables, s’il existe des obstacles réglementaires, des effets de réseau ou d’expérience, les entreprises qui fusionnent ne seront pas véritablement menacées par l’arrivée de nouveaux concurrents : elles pourront alors augmenter les prix ou dégrader la qualité de leur produit. A l’inverse, si le marché est parfaitement « contestable », c’est-à-dire si l’entrée et la sortie sont libres et instantanées, toute tentative de hausse du prix sera vouée à l’échec puisqu’elle conduira à l’entrée rapide de nouveaux opérateurs. Ce cas d’école trouve parfois à s’appliquer de manière presque « pure » : ainsi, en 2000, l’Autorité de concurrence britannique a autorisé une fusion entre deux compagnies d’héliportage sur les plates-formes pétrolières offshore en mer du Nord, en dépit de la formation d’un duopole sur le marché. Elle a estimé qu’il existait un pool d’entrants potentiels, qui pourraient rapidement contrecarrer toute tentative de hausse de prix. De plus, les coûts d’entrée étaient largement récupérables.
Seconde condition : il ne faut pas que les clients disposent d’un fort contre-pouvoir de négociation. En effet, s’ils sont peu nombreux, de grande taille ou constituent des passages obligés pour accéder au marché, il sera difficile pour la nouvelle entité d’augmenter les prix après la fusion. Cet argument de la puissance d’achat est souvent invoqué lors de fusions entre producteurs qui commercialisent leurs produits via la grande distribution. Ainsi, dans l’affaire Nabisco/Philip Morris (2000), la Commission a estimé que la forte part de marché des producteurs de produits chocolatés en Hollande après la fusion ne constituait pas une menace pour la concurrence, compte tenu du contre-pouvoir des clients, à savoir les géants de la grande distribution. De même, le fait que les distributeurs puissent développer leur propre marque de distributeur (les MDD) est de nature à renforcer leur pouvoir de négociation : la menace de déréférencement devient plus crédible dans la mesure où le distributeur peut proposer ses propres produits en substitution. Toutefois, le rapport de force entre producteurs et distributeurs n’est pas toujours à l’avantage de ces derniers : un producteur peut posséder un portefeuille de marques importantes, qui le rend incontournable. Ainsi, à l’occasion de la fusion Grand Metropolitan/Guiness (1999), la Commission a estimé que la détention par les parties de grandes marques de whisky ou de vodka limitait le pouvoir de négociation des distributeurs.
L’appréciation des barrières à l’entrée et du contre-pouvoir des clients constitue donc une étape essentielle dans l’analyse des effets probables d’une fusion sur les prix et la qualité. Cette appréciation doit être toujours menée