« Etats-Unis : concurrence, le grand retour » (L’Opinion)

Emmanuel Combe a publié le 13 Juillet 2021 une chronique dans L’Opinion sur le retour de la concurrence aux Etats-Unis.

 

Etats-Unis : concurrence, le grand retour

 

Le président des Etats-Unis a signé le 9 Juillet 2021 un décret présidentiel majeur visant à « promouvoir la concurrence dans l’économie américaine ». Le texte décrit une Amérique en proie à une concentration excessive des marchés, au détriment des consommateurs, des start-up, des agriculteurs et des travailleurs. Il dénonce « l’inaction » des gouvernements depuis des décennies, dont l’économie américaine paierait aujourd’hui la lourde facture : des prix trop élevés, notamment en matière de médicaments, de transport aérien ou de services de télécommunication ; des salaires trop faibles pour les travailleurs qui se retrouvent face à des employeurs en position de monopsone ; une innovation bridée et des nouveaux entrants qui ne parviennent pas à se développer. Joe Biden sonne la mobilisation générale de toutes les administrations fédérales, dans le but de « renverser cette dangereuse tendance ».

Le travail de l’administration va donc être de remettre de la concurrence sur tous les marchés où la concentration apparaît excessive. Attention toutefois à ne pas considérer toute concentration comme problématique. Elle peut par exemple résulter du mérite supérieur de certaines entreprises : comme elles offrent des produits innovants, elles ont conquis des parts de marché au détriment de leurs concurrents moins efficaces. La concentration du marché est alors le fruit logique de la « concurrence par les mérites ». Autre exemple : la mondialisation peut conduire à la concentration d’un marché, lorsqu’une entreprise domestique tente de résister aux importations à bas prix en augmentant sa taille pour baisser ses coûts de production. C’est typiquement le cas de Wall Mart, dont la part de marché a augmenté aux Etats-Unis, tandis que ses profits … diminuaient. Dernier exemple : lorsqu’il y a de forts effets de réseau, des économies d’échelle ou d’expérience, les marchés vont naturellement tendre vers des configurations d’oligopole, voire de quasi-monopole.

A l’inverse, il y a des situations dans lesquelles la  concentration apparaît excessive parce qu’elle est économiquement injustifiée. Par exemple, elle peut persister du fait de pratiques anti-concurrentielles, telles que des ententes ou des abus de position dominante. Le décret présidentiel évoque à cet égard l’insuffisante lutte contre les cartels, qui pénaliseraient l’économie américaine. De même, certaines pratiques des géants du numérique sont pointées du doigt, à l’image des acquisitions d’entreprises naissantes. La concentration peut aussi résulter de comportements de « recherche de rente », comme l’ont montré les travaux de Thomas Philippon : les acteurs en place financent les campagnes électorales et font du lobbying, dans le but de faire adopter des règlementations qui restreignent l’entrée sur le marché. Ainsi, dans l’Etat de Pennsylvanie, pour offrir des services d’épilation en tant que « cosmétologue agréé », il faut aujourd’hui avoir suivi 1250 heures de formation et passé un examen d’État !

Dans cette volonté de remettre de la concurrence dans toute l’économie américaine, l’administration Biden va devoir résoudre une équation subtile : lutter contre la « mauvaise » concentration, sans tomber dans le procès généralisé de toute concentration.

 

 

 

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