Emmanuel Combe a publié dans L’Opinion une chronique le 27 Octobre 2025.
A l’heure où les députés débattent sur le budget, la plupart des analystes politiques soulignent les lignes de fractures qui parcourent les oppositions au bloc central. La gauche et l’extrême gauche misent d’abord sur de nouvelles recettes fiscales, via la taxation des plus riches. Du côté de la droite et de l’extrême droite, la solution passe par la baisse de la dépense publique et la lutte contre la fraude. Bref, chaque camp de l’opposition joue sa propre partition, fidèle à ses positions idéologiques.
Pour autant, au-delà de ces clivages, il est possible d’identifier trois points communs entre eux.
En premier lieu, les oppositions continuent de porter des propositions fiscales peu réalistes sur le plan arithmétique. A gauche, la taxe Zucman fait toujours partie des formules magiques : elle est présentée comme un levier essentiel de recettes, de l’ordre de 20 milliards d’euros. C’est une illusion : une fois pris en compte les réponses comportementales des individus ciblés, il est probable que la taxe Zucman rapportera moins de 5 milliards d’euros. A titre d’exemple, le CAE considère, en se basant sur les expériences scandinaves, que, pour chaque euro taxé, 0,54 euro seront effacés par des comportements d’optimisation et 0,2 euro par des stratégies d’exil, soit 75 % de la base taxable. A l’extrême droite, le totem de la lutte contre la fraude a la vie dure : selon le RN, la lutte contre la fraude fiscale et sociale fera entrer dans les caisses de l’Etat pas moins de 15 milliards d’euros. A nouveau, les estimations raisonnables, notamment celle du CAE, donnent des recettes annuelles de l’ordre de 4 milliards d’euros.
En second lieu, du RN à La France insoumise, en passant par Les Républicains et les socialistes, de nombreux députés s’opposent à toute mesure qui touche au pouvoir d’achat des retraités. Après s’être prononcés en faveur de la suspension de la réforme des retraites, ils ont voté en commission permanente contre l’abattement fiscal de 10 %, alors même que cette exemption n’a aucune justification économique. La fin de cet avantage fiscal rapporterait pas moins de 4,8 milliards d’euros. Ce front commun s’explique par le fait que les retraités sont de plus en plus nombreux – vieillissement démographique oblige – et s’expriment massivement dans les urnes : lors de la présidentielle de 2022, 78 % des électeurs de plus de 60 ans ont voté, contre seulement 52 % chez les 18/24 ans. Une majorité de décideurs politiques fait donc le choix de soigner un vivier électoral important, plutôt que de porter la voix de la jeunesse et des générations futures, qui paieront demain la facture de la dette.
En troisième lieu, les oppositions aiment à débattre, à coup d’amendements et de propositions créatives, des nouvelles recettes et baisses de dépenses pour contenir la dérive budgétaire en 2026. Ce faisant, ils restent muets sur un autre sujet central : les réformes structurelles qui permettraient d’accroître à long terme les recettes fiscales. Ces réformes structurelles sont pourtant connues : augmenter les gains de productivité et le taux d’emploi. A titre d’exemple, le CAE estime qu’une hausse de 0,1 point en 2026 et de 0,2 point en 2027 des gains de productivité se traduirait mécaniquement par des recettes publiques additionnelles de 12 milliards en 2030. Le meilleur remède au déficit budgétaire, c’est d’abord la croissance.
Mais préparer le long terme n’est pas la priorité des oppositions, dont le seul horizon est celui de la prochaine élection.
Emmanuel Combe est professeur des Universités à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur associé à SKEMA Business School.


