Emmanuel Combe a publié le 26 Aout 2021 une chronique dans L’Opinion sur l’évolution d’Amazon vers un modèle hybride.
Amazon : cap sur les magasins physiques !
Si l’on en croit le très sérieux Wall Street Journal, Amazon se préparerait à passer à l’offensive en ouvrant des points de vente physique d’une taille significative aux Etats-Unis, de l’ordre de 3000 m2. A vrai dire, Amazon est déjà présent Outre-Atlantique dans l’univers de la distribution physique, que ce soit avec la chaine de magasins bio Whole Foods, rachetée en 2017, une vingtaine de librairies, des boutiques « Four stars » dans lesquels sont vendus des produits à succès ou des magasins alimentaires comme Amazon Fresh et Go. Mais cette incursion est restée jusqu’ici très mesurée : en 2020, les ventes en magasins physiques ont représenté seulement 6% du chiffre d’affaires total d’Amazon, contre 50% pour les ventes online, sans même compter les commissions de la place de marché (19%) et les ventes d’abonnement Amazon prime (7%).
Au-delà du cas particulier d’Amazon, quelles raisons peuvent conduire des « pure players » à faire un grand pas vers le commerce en dur ?
En premier lieu, même si le commerce en ligne connait une forte croissance –surtout à l’heure de la crise sanitaire-, il reste encore largement minoritaire au sein du commerce de détail : sur 100 dollars ou euros dépensés, n’oublions pas que 85 le sont … en magasin physique. Ce fait est encore plus prégnant dans la distribution alimentaire : en France, le e-commerce y affiche une part de marché certes en forte croissance mais de seulement … 9%.
En second lieu, si le e-commerce propose aussi des conseils en ligne et facilite le retour des produits achetés, le commerce physique garde encore une longueur d’avance en termes d’expérience client. Ceci est particulièrement vrai pour des produits très personnels, nouveaux ou qui ne font pas l’objet d’achats répétés : avant de faire leur choix et d’acheter, les clients veulent par exemple pouvoir essayer la nouvelle ligne de vêtements d’une grande marque.
En troisième lieu, les pure players disposent d’une compétence pointue en matière d’analyse des données digitales, qu’ils vont pouvoir mobiliser en magasin physique. Ainsi, avec sa technologie Just Walk Out, Amazon propose à ses clients des magasins Go et Fresh de scanner un QR code à l’entrée pour que le paiement se fasse automatiquement, sans passage en caisse. Ce faisant, Amazon va pouvoir suivre très précisément le parcours d’achat de ses clients au sein du magasin, non plus virtuel mais réel, afin de mieux comprendre ses attentes et y répondre. Si le client en magasin physique est également un client du site internet, Amazon pourra également mixer les données et affiner ainsi son profil.
En quatrième lieu, il existe de fortes synergies entre les canaux de distribution off-line et on-line. Par exemple, si un produit n’est pas présent dans le magasin physique, il pourra être proposé de le commander sur le site internet. Symétriquement, si le client hésite à acheter un produit sur Internet, le vendeur en ligne pourra lui proposer de se rendre dans un showroom pour l’essayer. Les synergies peuvent également prendre la forme d’une commande sur internet, qui sera retirée dans un point de vente physique, sur le modèle du click and collect.
Bref, après la digitalisation du commerce physique, on pourrait bien assister demain à une « phygitalisation à l’envers », consistant pour les pure players à aller … vers les magasins en dur.