« Aigle Azur : la bataille des slots » (L’Opinion)

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*** Local Caption *** La compagnie Aigle Azur cherche des repreneurs
Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 8 Septembre 2019, sur l’attribution des slots dans les aéroports congestionnés.

Aigle Azur : la bataille des slots

Alors que se joue l’avenir des 1 150 salariés d’Aigle Azur, une bataille stratégique se trame en arrière-plan : celle de l’accès au sésame des créneaux aéroportuaires (« slots »). Si Aigle Azur fait faillite, pas moins de 10 000 slots seront disponibles à Orly. Du jamais vu depuis la faillite d’Air Lib en 2003.
Un slot représente un droit d’usage, autorisant une compagnie aérienne à décoller ou atterrir sur un aéroport à un certain horaire. Dans la plupart des aéroports, l’attribution de ce droit ne pose aucun problème, compte tenu du faible nombre de vols opérés chaque jour. Pas sur de grandes plateformes congestionnées comme Francfort, Londres Heathrow, Roissy CDG ou Orly : l’offre de slots est inférieure à la demande, en particulier sur les horaires de pointe. A Orly, le nombre de slots est plafonné pour des raisons de nuisance sonore, à 250 000 depuis un arrêté de 1994 et rares sont les slots qui se libèrent.
Pénurie. Face à cette pénurie a été mis en place un système de planification, confié à un régulateur, le Cohor : sa mission est d’attribuer d’une saison à l’autre les créneaux de manière transparente et en prenant appui sur trois règles. Première règle : celle du « droit du grand-père ». Une compagnie qui a exploité un créneau horaire peut prétendre à le garder pour la période suivante. Cette règle confère un avantage aux opérateurs installés.
Seconde règle, celle des 80/20 : tout créneau attribué doit être utilisé au moins à 80 % par celui qui le détient, sous peine de retomber dans le pot commun. Troisième règle, celle des 50/50 : si des créneaux se libèrent, le coordinateur en attribue la moitié à de nouveaux entrants, définis comme des compagnies disposant de moins de 5 % des créneaux. La stratégie d’un opérateur installé est donc de ne pas perdre un seul slot, afin de limiter le développement de ses concurrents. Pour les nouveaux entrants, le seul moyen d’entrer sur un aéroport congestionné est de racheter un concurrent : easyJet est entré sur Gatwick en prenant le contrôle en 2007 de GB Airways.
Ce système de gestion de la pénurie a suscité des propositions de réforme au niveau européen : renforcement de la règle d’usage des slots selon une règle 90/10 ; augmentation du nombre de mouvements par des gains de productivité sur les pistes ; remise régulière d’un pourcentage de slots dans le pool commun, vente aux enchères des slots, etc. Ces propositions n’ont toutefois jamais abouti, compte tenu des risques de déstabilisation des opérateurs historiques confrontés à la déferlante des compagnies low cost.
Dans le cas d’Orly, la menace low cost est d’autant plus redoutable que cet aéroport dispose d’une situation géographique privilégiée, aux portes de Paris, seconde destination touristique en Europe après Londres. Son positionnement sur les vols court et moyen courrier en fait un aéroport idéal pour les low cost, qui font du point à point : ils n’ont pas à supporter les contraintes spécifiques de grandes plateformes comme Roissy qui accueille des vols long-courriers et en correspondance ; les rotations peuvent donc y être plus rapides, ce qui constitue le nerf de la guerre pour être rentable.
C’est donc à Orly que se jouera demain la vraie bataille du low cost sur Paris, avec notamment la montée en puissance de Transavia, filiale à bas prix d’Air France-KLM. Une bataille qui mettra aux prises la compagnie historique avec des concurrents comme easyJet, Vueling, French Bee ou Norwegian et pourquoi pas… Ryanair, qui opère pour le moment sur Beauvais.
Emmanuel Combe est économiste. Il est en particulier spécialiste du transport aérien, du low cost, du protectionnisme, des questions de concurrence et d’antitrust.

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