« Aérien : la bataille de la taille critique en Europe » (La Tribune)

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Transport aérien en Europe : la bataille de la taille critique

Une fois n’est pas coutume, Ryanair a annoncé des pertes au titre au cours du troisième trimestre de son exercice 2018/2019, qui correspond aux trois derniers mois de l’année 2018 : le leader du low cost aérien paye la facture de la guerre des prix engagée en Europe durant la saison hivernale. Mais les premières et principales victimes sont les compagnies qui n’ont pas les reins solides et ne disposent pas d’une taille critique suffisante, à l’image de Germania qui vient de mettre la clé sous la porte.

La taille critique : voilà le maître mot de la consolidation qui s’annonce sur le segment du moyen-courrier en Europe. Il ne suffit pas en effet d’être présent sur le marché avec quelques avions et quelques lignes pour pouvoir y rester durablement. Il faut avant toute chose disposer d’une taille critique. Elle permet en effet de mieux rentabiliser les dépenses de marketing et de publicité, actifs immatériels indispensables pour se faire connaitre et susciter la confiance des clients. Elle permet aussi de construire un réseau dense et de quadriller ainsi toute l’Europe : en créant des bases locales, une compagnie peut espérer mieux remplir ses vols dans les deux sens (à l’import et à l’export), proposer à ses clients de bonnes fréquences, des correspondances et de meilleurs horaires (notamment le matin et en fin de journée pour les hommes d’affaires).

Mais quelle est au juste la bonne « taille critique » sur le marché des vols intraeuropéens ? Difficile à dire, mais une comparaison utile peut être faite avec le marché domestique américain, où la consolidation a déjà eu lieu. Aux États-Unis, le trafic est aujourd’hui concentré autour de quatre acteurs principaux (American, Southwest, Delta, United) qui représentent à eux seuls 80% du marché. Une situation qui contraste avec celle observée en Europe : les deux leaders (en sièges offerts), Ryanair et easyJet pèsent environ entre 30 et 31% du marché, loin devant des compagnies comme Lufthansa, Air France KLM ou IAG.

La simple transposition des chiffres américains à l’Europe donne une idée de l’ampleur que pourrait prendre un mouvement de consolidation, à supposer qu’il soit autorisé par les autorités de concurrence. Si les quatre leaders du marché intra-européen réalisaient 80% du marché -et en supposant que leur part de marché soit symétrique- ils devraient transporter chacun 160 millions de passagers par an. À ce jour, seule Ryanair est proche de cette taille, avec 139 millions de passagers en 2018. EasyJet, avec 90 millions de passagers dispose encore d’une forte marge de progression. Les opérateurs historiques sont quant à eux loin derrière : il leur faudrait doubler leur taille sur le segment du moyen-courrier, en nombre d’appareils comme de passagers.
Si la consolidation du marché intra-Europe devait conduire demain à la constitution de 4 à 5 géants, les places risquent d’être très chères. Pour figurer sur le podium, les prétendants devront impérativement disposer de trois atouts : un business model résolument « low cost », qui corresponde aux attentes des clients sur le moyen-courrier ; une organisation agile, qui permet de s’adapter très rapidement aux caprices du marché ; des moyens financiers conséquents pour croître rapidement, que ce soit par fusion-acquisition ou par croissance interne, notamment en renouvelant la flotte. Autant dire que Ryanair et easyJet, en dépit des turbulences de ces derniers mois, cochent déjà toutes les cases et sont déjà qualifiés. Pour les nombreuses compagnies majors, leur présence sur le podium n’est en revanche pas acquise d’avance.

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