« 80% d’immunité collective : une dose de coercition ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 8 Juin 2021 sur l’immunité collective en matière de vaccination contre le Covid-19.

80% d’Immunité collective : une dose de coercition ?

 

Alors que la moitié des Français a reçu une première dose de vaccin, se pose désormais la question de la capacité de notre pays à atteindre l’immunité collective d’ici la fin de l’été, avec un taux de couverture de 80% de la population totale. Selon l’Académie nationale de médecine, il y aurait environ 30% de personnes hésitantes ou opposées à la vaccination. L’enjeu principal des semaines à venir est donc de les convaincre de passer à l’acte, ce qui n’a rien d’évident.

En effet, nous nous retrouvons dans une situation bien connue en théorie des jeux où certains individus se comportent de manière opportuniste : ils attendent, en se disant qu’ils feront partis des 20% non vaccinés qui profiteront de l’immunité collective. Le problème est que si ces comportements sont répandus parmi les hésitants et les opposants, il sera difficile d’atteindre rapidement le seuil des 80%. Comment faire pour surmonter cet obstacle ?

Une première option est de communiquer un message aussi simple que moralisateur : en ne se vaccinant pas, ces individus font supporter un risque à tous ceux qui n’ont pas pu encore se faire vacciner. Mais cet appel au civisme sera à l’évidence insuffisant pour surmonter les comportements d’ « égoïsme rationnel ».

Une seconde option est de déployer le passeport vaccinal. Cette mesure entrera en vigueur le 9 juin en France mais ne concernera que les rassemblements de plus de 1000 personnes puis les voyages à l’étranger. Son périmètre est donc aujourd’hui trop étroit pour être une réponse suffisante.

Il reste à se tourner vers des mesures plus coercitives, à savoir l’obligation vaccinale. Rappelons qu’elle existe déjà en France depuis longtemps pour des maladies comme la polio. On pourrait imaginer, comme le préconise l’Académie de médecine, que cette obligation soit dans un premier temps cantonnée à l’exercice de certaines activités professionnelles qui sont en contact physique avec de nombreuses personnes : on songe aux enseignants ou aux policiers, mais aussi à tous ceux qui travaillent dans le commerce de détail, la restauration, l’hôtellerie, les établissements culturels et du sport. Ainsi, en Italie, les soignants et pharmaciens ont, depuis le 10 avril, l’obligation de se faire vacciner lorsqu’ils sont en contact avec le public. Dans un second temps, cette mesure pourrait être élargie à l’ensemble de la population.

Mais l’obligation vaccinale ne sera véritablement efficace que si elle est assortie de sanctions. Dans le cas des travailleurs exposés, des interdictions provisoires d’exercer pourrait être mises en place. La Nouvelle-Zélande est allée plus loin, en n’hésitant pas  à licencier des agents des douanes qui avaient refusé de se faire vacciner. Dans le cas des personnes qui ne travaillent pas, une sanction monétaire pourrait être envisagée, comme cela existe déjà en Suède. Pour qu’elle soit vraiment lisible et dissuasive, l’amende devrait être calculée sur la base de ce que coûte à la collectivité l’hospitalisation d’un malade du Covid. Cela aurait la vertu de faire comprendre aux récalcitrants que leur comportement fait supporter un coût élevé à la collectivité ; il est donc légitime qu’ils en supportent en retour … le prix.

 

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