Emmanuel Combe a publié le 9 Septembre 2024 une chronique dans Les Échos sur le tourisme en France.
100 millions de touristes … et après ?
100 millions de touristes en France en 2024 ? La France, déjà première destination touristique au monde, va sans doute battre son propre record, grâce aux Jeux Olympiques. Si une telle performance quantitative impressionne, il n’en reste pas moins que notre offre touristique dispose encore de marges de progression.
En premier lieu, nous ne sommes pas champion des recettes touristiques : avec 63 milliards d’euros en 2023, nous figurons loin derrière l’Espagne, qui parvient à générer 85 milliards de recettes avec 85 millions de touristes. Cela revient à dire qu’un touriste dépense en moyenne 650€ en France contre 1000€ en Espagne. Ce différentiel provient en grande partie du fait qu’une partie des touristes internationaux transitent par la France mais n’y restent pas très longtemps.
En second lieu, si notre offre touristique a gagné en compétitivité depuis quelques années, notamment grâce au plan Destination France, nous ne figurons pas en tête des classements internationaux. Ainsi, dans le dernier indice du World Economic Forum, la France est en 4eme position, derrière les USA, l’Espagne et le Japon. En particulier, nous sommes mal classés en termes de compétitivité-prix : nous sommes perçus comme une destination trop chère par rapport à la qualité offerte.
L’enjeu demain pour notre pays est donc moins d’attirer toujours plus de touristes que d’augmenter la qualité de notre offre pour qu’ils y trouvent leur compte et aient envie d’y rester plus longtemps. Petit calcul simple : en faisant l’hypothèse que les touristes étrangers, hors touristes en transit, dépensent demain autant en France qu’ils le font aujourd’hui en Espagne, nous pourrions engranger 28 milliards d’euros de recettes supplémentaires chaque année, soit 280.000 emplois.
Cette stratégie de compétitivité par la qualité suppose tout d’abord d’investir davantage dans la formation du personnel : le tourisme est essentiellement une activité de service, dans laquelle l’accueil, le sourire, la disponibilité sont les clés du succès. Nous devons également renforcer l’attractivité de la filière touristique auprès des jeunes. Enfin, nous devons diversifier notre offre, en misant davantage sur les sites touristiques secondaires : la France ne se résume pas à la Côte d’Azur, à Paris ou la Tour Eiffel. Nous possédons une multitude de musées, monuments et festivals isolés, qui pourraient être coordonnés dans de véritables parcours touristiques locaux, associant activités culturelles, commerces, hôtellerie-restauration et transports.
Cette stratégie de compétitivité par la qualité mérite également d’être portée au plan politique, en assumant haut et fort que le tourisme constitue un secteur clé pour la France. Tout d’abord, le tourisme pèse lourd dans notre économie : il représente 7% de notre PIB, chiffre à mettre en regard avec les 10% de notre industrie ; il est à l’origine de 2 millions d’emplois directs et indirects ; il présente un solde excédentaire, à hauteur de 16,5 milliards en 2023. Ensuite, ce portage politique se justifie par le fait que la destination France, en dépit de ses atouts, est de plus en plus concurrencée par d’autres pays. Un exemple suffit à s’en convaincre : l’Arabie Saoudite qui mène une politique touristique ambitieuse, est passée dans le classement du World Economic Forum de la 25ème place à la 18ème place en l’espace de 5 ans.
A l’issue des JO, nous allons à l’évidence bénéficier de fortes retombées positives pendant plusieurs années. Pour autant, gardons-nous de considérer cette manne comme une rente naturelle et acquise. Au contraire, surfons sur l’engouement suscité par les JO pour mener une politique touristique, tournée vers la qualité plus que la quantité. Ce serait à la fois un bon calcul économique et une source de fierté pour tous les Français.