« Taxe Zucman : la grande illusion (fiscale) » (Les Échos)

Emmanuel Combe a publié le 6 Octobre 2025 une chronique dans Les Échos sur le projet de taxe Zucman.

Taxe Zucman : la grande illusion (fiscale)

 

La taxe Zucman a envahi depuis quelques semaines le débat public, avec une promesse forte : faire entrer pas moins de 20 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses de l’Etat. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle séduise une large majorité de Français :  simple à comprendre et lisible, elle frappe les esprits par son montant annoncé. Mais c’est précisément tout le problème : cette taxe repose sur une mécanique trop simple, qui ignore la complexité des comportements réels, du droit et de la dynamique de l’économie.

En premier lieu, la taxe Zucman passe sous silence la réaction probable des individus taxés. Annoncer 20 milliards de recettes en multipliant une assiette de patrimoine par 2 % relève plus d’un calcul de tableur que d’une analyse économique. Dans la réalité, les détenteurs des fortunes visées n’attendront pas sagement d’être ponctionnés. Ils adapteront leurs comportements, déplaceront leurs actifs, utiliseront de nouvelles structures juridiques ou fiscales, parfois quitteront le pays. L’exemple français de la « taxe sur les yachts » en 2018 est à cet égard instructif : alors que 10 millions d’euros de recettes étaient attendus, elle a réalité rapporté … 115 fois moins.

En second lieu, la taxe Zucman fait fi des obstacles juridiques qui se dressent sur sa route. En France, l’impôt doit respecter le principe de « faculté contributive » : si l’on peut taxer dans une certaine mesure le patrimoine, l’impôt doit rester proportionné aux revenus réellement disponibles de la personne taxée. Or, une taxe sur un stock, appliquée à des actifs parfois illiquides, peut contraindre le contribuable à vendre pour s’acquitter de l’impôt. Dans le cas des start-up, taxer des « revenus latents » revient même à imposer … une projection économique.

En troisième lieu, la taxe Zucman est muette sur son impact à long terme sur la croissance économique et donc … sur les recettes fiscales. Elle risque de désinciter demain les entreprises, et notamment les start-up, à venir investir et innover en France. A cet égard, l’Université de Pennsylvanie a évalué au travers de son modèle de prévision macroéconomique l’impact du projet de taxe proposée par Elizabeth Warren aux États-Unis, assez similaire à la taxe Zucman. Conclusion : une telle taxe réduirait le PIB américain de 0,9 % à 2,1 % d’ici 2050. En d’autres termes, les coûts de la taxe en termes de croissance dépasseraient de loin les bénéfices attendus.

Au-delà de ces incertitudes sur son rendement effectif, la taxe Zucman porte en elle un message implicite assez discutable :  notre déficit budgétaire proviendrait d’abord de l’évitement de l’impôt par les plus riches. En réalité, s’il existe bien des stratégies d’optimisation fiscale auxquelles il faut remédier, la première cause de notre déficit budgétaire est ailleurs : elle réside dans le fait que, depuis 30 ans, nous ne créons collectivement pas assez de richesse. L’enjeu majeur est d’avoir une croissance plus forte, ce qui augmentera mécaniquement les recettes fiscales. Les leviers sont connus de tous les économistes :  augmenter le taux d’emploi et les gains de productivité. Si la France avait le taux d’emploi et les gains de productivité de l’Allemagne, le niveau de vie des Français serait supérieur de 15% et la France afficherait une situation budgétaire plus confortable. C’est un message certes moins médiatique, moins immédiat et moins populiste que la taxe Zucman mais qui évitera bien des désillusions :  croire qu’il suffit de ponctionner les grandes fortunes pour équilibrer nos comptes publics relève de la pensée magique.

 

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