« Protectionnisme américain : it’s the politics, stupid! » (L’Opinion)

Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 15 Novembre 2024.

 

Protectionnisme américain : it’s the politics, stupid !

 

Donald Trump nous avait prévenus : lorsqu’il sera réélu, la politique protectionniste engagée lors de son premier mandat reprendra de plus belle. Avec une nouvelle salve de droits de douane à l’encontre de la Chine mais aussi de l’Europe. Si le monde entier redoute ce regain protectionniste, rares sont ceux qui s’interrogent sur l’impact de cette politique sur l’économie américaine elle-même. Il est pourtant possible d’analyser ce qui s’est passé lors de la première mandature de Trump, à la lumière des nombreuses études académiques.

Tout d’abord, Donald Trump a échoué à réduire le déficit commercial total des Etats-Unis : il était de 568 milliards de dollars en 2017 et de 861 milliards en 2021. Cela provient du fait qu’il y a eu des représailles de la Chine, ce qui a diminué les exportations américaines ; de plus, d’autres pays comme le Mexique ont pris le relais de la Chine comme exportateurs.

Ensuite, les droits de douane ont diminué le pouvoir d’achat des Américains. En effet, les exportateurs étrangers ont massivement reporté les taxes douanières dans le prix final. Les producteurs américains de produits concurrents des importations, désormais protégés par les droits de douane, ont augmenté à leur tour leurs prix. Ainsi, dans le cas des droits de douane sur les machines à laver, une étude a montré que les prix ont augmenté de 12 % et que les consommateurs américains paient chaque année un surprix d’1,5 milliard de dollars, soit 86 dollars de plus par machine à laver.

Enfin, sur le front de l’emploi, le protectionnisme n’aura pas eu les résultats espérés, loin s’en faut. Une étude de la Réserve Fédérale a montré que les emplois sauvés dans les industries protégées l’ont été à un coût exorbitant pour le contribuable américain : 814 000 dollars par an pour un emploi dans l’industrie des machines à laver ! Pire encore, le protectionnisme a détruit de l’emploi au niveau global. En effet, les taxes douanières sur des produits intermédiaires comme l’aluminium ont diminué la compétitivité des entreprises américaines qui utilisent de l’aluminium ; elles ont donc licencié. De même, les entreprises américaines qui exportaient vers la Chine ont subi les représailles de Pékin et ont dû également licencier. Bilan global : un effet négatif sur l’emploi de 1,5%. Le « bring back jobs to America » n’aura pas vraiment été un succès.

En dépit de ces résultats peu convaincants, une majorité d’Américains a choisi de réélire Donald Trump. Sans doute parce qu’ils ont voté sur d’autres critères que le protectionnisme : en particulier, ils ont voulu sanctionner le retour de l’inflation sous Joe Biden, qui a grevé leur pouvoir d’achat. Mais c’est oublier que le protectionnisme pénalise également le pouvoir d’achat de tous les Américains, même si ces derniers ne semblent pas en avoir conscience. Une récente étude de David Autor montre même que les Américains les plus affectés par le protectionnisme de Trump continuent de lui apporter leur soutien ! C’est tout le paradoxe du protectionnisme tarifaire : bien que cela soit un mauvais choix économique, cela reste payant sur le plan politique. Il est donc probable que Donald Trump 2 fasse comme Donald Trump 1. Le président américain aura au moins réussi à faire mentir la fameuse devise du conseiller de Bill Clinton, James Carville : « It’s the politics, stupid ! ».

 

 

 

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