« Pouvoir d’achat : ne pas oublier les prix ! » (L’Opinion)

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Un tas de billets et de pièces d'euros avec une calculette . Illustration pour le financement d'un microcrédit . *** Local Caption *** Peut-on déshériter ses enfants ? Droit. La question se pose quand les enfants ont rompu tous les liens avec leurs parents. « Lègue et tais-toi » serait-elle la règle ?
Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 8 Novembre 2018, sur la question du pouvoir d’achat.

 

Pouvoir d’achat : ne pas oublier les prix !

Alors que la question du pouvoir d’achat revient dans le débat public, il n’est pas inutile de prendre un peu de recul pour rappeler quelques principes économiques simples. Le pouvoir d’achat désigne non pas ce que l’on gagne – sa « fiche de paie » ou le montant de sa pension retraite – mais ce que l’on peut acheter avec ce que l’on gagne : il dépend donc de manière cruciale de l’évolution des prix. Par exemple, si votre revenu nominal augmente de 2 % suite à une baisse d’impôts mais que l’inflation accélère à 2 %, votre gain de pouvoir d’achat sera tout simplement… nul. On ne peut donc débattre de la question du pouvoir d’achat sans regarder aussi du côté de l’inflation.

Premier enseignement : en France, le « pouvoir d’achat du revenu disponible brut » (Insee) progresse depuis 2013, dans la mesure où les revenus nominaux augmentent toujours plus vite que l’inflation : ce gain annuel de pouvoir d’achat oscillerait entre 0,9 % (en 2015) et 1,8 % (en 2016). Il a augmenté de 1,3 % en 2017. Pour 2018, le pouvoir d’achat continuera de croître, grâce notamment à la fin des cotisations salariales sur l’assurance chômage, mais à un rythme plus faible, compte tenu de l’accélération de l’inflation – hausse du prix du pétrole oblige.

Biais de disponibilité. Second enseignement : si le pouvoir d’achat augmente en France, nous avons tous tendance, en tant que consommateurs, à le sous-estimer, dans la mesure où… nous surestimons l’inflation. Une étude de l’Insee (2011) a montré que l’inflation perçue par les Français était systématiquement plus élevée que l’inflation réelle, avec un écart permanent de l’ordre de 6 points. Cette situation s’explique notamment par ce que l’on appelle en psychologie un « biais de disponibilité » : nous surestimons tout ce qui est visible. Par exemple, lorsque nous faisons nos courses du quotidien ou notre plein d’essence, nous constatons que le prix des carburants ou des cigarettes monte, mais nous oublions que le prix des ordinateurs ou des téléviseurs, que nous achetons peu souvent mais qui sont très coûteux, a tendance à diminuer au cours du temps. Le « biais médiatique » vient renforcer cet effet : les médias parlent plus volontiers des hausses de prix, par exemple sur le tabac ou le gaz, que des baisses de prix résultant du fait que la France importe des produits à bas prix en provenance de pays émergents.

Troisième enseignement : pour doper le pouvoir d’achat, le gouvernement dispose d’autres leviers que les seules réformes fiscales. Il peut aussi agir sur certaines composantes internes de l’inflation, à défaut de maîtriser l’évolution du prix du pétrole. En particulier, des réformes structurelles visant à ouvrir certains marchés à de nouveaux acteurs ou à de nouveaux modèles économiques peuvent doper le pouvoir d’achat, en favorisant des baisses de prix substantielles, durables, visibles et qui profitent à tous. Rappelons que l’entrée de Free Mobile en 2012, décidée par les pouvoirs publics au travers de l’attribution d’une quatrième licence, a conduit pour les seules années 2012 et 2013 à un gain de pouvoir d’achat estimé par UFC Que-choisir ? à 6,8 milliards d’euros, pour les 55 millions de Français disposant d’un forfait mobile post payé. 6,8 milliards, c’est plus que les 6 milliards de baisse d’impôts en faveur du pouvoir d’achat des ménages, annoncés par le gouvernement pour 2019.

Emmanuel Combe est professeur des universités, professeur affilié à Skema business school.

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