« Mercosur : pourquoi la France a intérêt à signer » (Les Échos)

Emmanuel Combe a publié une chronique dans Les Échos le 15 Novembre 2024.

 

Mercosur : pourquoi la France a intérêt à signer

 

Signer ou pas l’accord avec le Mercosur ? Voilà le choix que l’Europe va devoir faire dans les semaines à venir. L’opposition au projet reste particulièrement vive en France, qui craint pour ses productions de boeuf, volaille et sucre. Il existe pourtant de bonnes raisons de signer cet accord.

5 raisons de signer

Première raison : dans un contexte d’accentuation du protectionnisme des Etats-Unis et de tensions commerciales croissantes entre l’Europe et la Chine, l’Europe doit s’assurer de nouveaux débouchés extérieurs. En l’absence d’accord multilatéral, le seul accord d’importance qui peut être signé dans un délai raisonnable est celui avec le Mercosur, région qui rassemble pas moins de 280 millions de consommateurs.

Seconde raison : si nous ne signons pas, la Chine le fera à notre place et accentuera ainsi son offensive commerciale en Amérique du Sud. En effet, si l’Europe a longtemps affiché un excédent commercial avec le Mercosur, elle connaît un déclin continu de sa part de marché dans cette région du monde… au profit de la Chine.

Dans un contexte d’accentuation du protectionnisme des Etats-Unis et de tensions commerciales croissantes entre l’Europe et la Chine, l’Europe doit s’assurer de nouveaux débouchés extérieurs.

Troisième raison : à l’heure où l’Europe mène une stratégie de « derisking » vis-à-vis de la Chine, l’accord du Mercosur permet de diversifier nos sources d’approvisionnement, en particulier sur des minerais stratégiques pour l’industrie tels que le cobalt, le graphite ou le lithium.

Quatrième raison : la France possède – fait assez rare – une balance commerciale excédentaire avec le Mercosur et l’accord renforcera encore cet avantage. En particulier, le vin, les spiritueux, les fromages et la poudre de lait vont pouvoir accéder à un large marché. Nos appellations d’origine contrôlée seront enfin reconnues et respectées. De même, des industries comme l’automobile, la chimie, le luxe ou les cosmétiques verront leurs exportations progresser.

Cinquième raison : s’il est vrai que la volaille, le sucre et le boeuf seront négativement affectés par l’accord, il n’y aura pas pour autant de raz de marée des importations. Bien au contraire, l’ouverture à l’importation restera très limitée et encadrée par des clauses de sauvegarde. Par exemple, dans le cas du boeuf, le quota d’importations est fixé à 99.000 tonnes, ce qui correspond à 1,2 % de la consommation européenne.

Imposer des conditions

Pour autant, si l’accord du Mercosur est un bon calcul économique pour la France, cela ne veut pas dire qu’il doit être signé sans conditions.

Tout d’abord, sur un plan sanitaire, il faudra s’assurer que l’interdiction des importations non conformes aux normes européennes, à l’image du boeuf aux hormones, sera bien respectée. Il est donc impératif que l’Europe renforce demain ses contrôles sanitaires. Dans le cas du boeuf, le quota d’importations est fixé à 99.000 tonnes, ce qui correspond à 1,2 % de la consommation européenne.

Ensuite, sur un plan sociétal et environnemental, le Mercosur se doit de respecter les règles internationales. A cet égard, le texte inclut un chapitre sur les droits de l’homme, sur la convention de l’OIT et sur la non-prolifération des armes de destruction massive. De même, pour que l’accord avec le Mercosur soit signé, l’Europe exige que l’accord de Paris sur le climat soit considéré comme une « clause essentielle » : cela signifie que toute violation pourra entraîner la suspension unilatérale de l’accord de libre-échange.

Enfin, comme le Mercosur va affecter négativement le revenu de certains agriculteurs, il est impératif de prévoir des compensations. Une compensation monétaire n’emporte pas l’adhésion des agriculteurs français, qui demandent d’abord à vivre de leur métier et non de nouvelles subventions. Une solution plus audacieuse serait de leur proposer un allègement réglementaire et fiscal. N’oublions pas que ce dont souffrent les agriculteurs français, c’est d’abord de l’excès de charges fiscales et sociales, de l’excès de normes européennes et de leur surtransposition en France. Autant de facteurs qui augmentent leurs coûts de production et les rendent moins compétitifs. Profitons de l’accord du Mercosur pour libérer enfin les agriculteurs français des semelles de plomb dont on les accable depuis tant d’années.

Emmanuel Combe est professeur des Universités à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur associé à SKEMA Business School.

 

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