« Mercosur : back to basics » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 3 Juillet 2019, sur l’accord de l’UE avec le Mercosur.

 

Mercosur : back to basics

Premier principe : un accord suppose que chaque partie fasse des concessions à l’autre. « Tu baisses tes droits de douane sur un produit A que je veux exporter chez toi ; en échange, je baisse mes droits sur un produit B que tu souhaites exporter chez moi ». Il est donc logique que le résultat se traduise pour l’Europe par une hausse des exportations dans certains secteurs et… des importations en provenance du Mercosur dans d’autres secteurs.

Second principe : dans une négociation commerciale, le sens des concessions ne doit rien au hasard. Le but de chaque partenaire est d’exporter chez l’autre les productions dans lesquelles il est comparativement plus efficace. Cela s’appelle la « loi des avantages comparatifs». Entre l’Europe et le Mercosur, les termes du débat sont assez simples : nous sommes plus performants qu’eux dans des productions comme l’aéronautique, l’automobile, les produits pharmaceutiques et chimiques, les produits du terroir, les produits laitiers, les vins et spiritueux. Les pays du Mercosur sont comparativement plus efficaces dans la production de bœuf, de volailles, de soja, de sucre ou d’éthanol.

Troisième principe : les avantages comparatifs ne résultent pas d’abord d’une «concurrence déloyale », même si nous devons rester vigilants sur le respect des normes sanitaires et industrielles. Ils expriment d’abord et surtout des différences de coût de production ou de technologies entre pays du Nord et du Sud. Refuser au Mercosur d’exporter ses produits agricoles, c’est refuser à des pays émergents de se développer en misant sur leur principal atout : les coûts de production.

Quatrième principe : un accord est bénéfique dès lors qu’il engendre un gain net pour celui qui le signe. Dit en d’autres termes, la question est de savoir si l’Union européenne sera plus riche demain, grâce à l’accord. Cela suppose d’additionner les gains et pertes de pouvoir d’achat, de production et d’emploi, à l’exportation comme à l’importation, dans tous les secteurs. Le résultat est connu : une étude de la Commission a conclu à un gain modeste de 15 milliards d’euros pour le Mercosur et de 32 milliards pour l’Europe. Ce gain consistera notamment à importer moins cher des matières premières comme le soja, le minerai de fer ou les graines de café, utilisés par nos éleveurs et producteurs industriels.

Dernier principe : un accord commercial peut procurer un gain global pour la collectivité, tout en entraînant des pertes locales pour certains acteurs. Dans le cas du Mercosur, certains producteurs agricoles européens feront les frais de l’ouverture. L’économie politique nous indique clairement la voie à suivre : dédommager les perdants, puisque le gain global l’emporte sur les pertes. C’est à cette condition que le Mercosur sera non seulement économiquement avantageux mais aussi… politiquement acceptable.

Emmanuel Combe est vice-président de l’Autorité de la concurrence, professeur à Skema Business School.

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